Prologue

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  Mes pieds frappent le sol sans aucune discrétion. Les pas précipités derrière moi ne font rien eux non plus pour se cacher. Je sais qu'ils me poursuivent, ils veulent m'attraper. Il faut que je fuie loin, loin d'ici. S'ils réussissent à m'atteindre, que vont-ils faire de moi ? Quel sort me réserve-t-on ?! Je n'ose l'imaginer. Ils vont me livrer à mon père, je serais à genoux devant lui. Il va m'humilier devant la planète entière. Je sais ce que les gens pensent de moi, le petit toutou du roi, son sous-fifre. J'entends encore les murmures, les pensées des gens : "Regarder comme il est malléable, il serait prêt à tout pour son père. Jusqu'à tuer quelqu'un pour avoir une petite tape dans le dos et une onde de sympathie qui ne durera qu'un instant. Quel minable... !". Je le sais, on n'a pas besoin de me le dire, c'est inscrit sur mon front pour qu'il soit visible de tous. Je ne fais qu'échouer lamentablement. Ce n'est jamais assez, j'ai besoin d'en faire plus. Toujours et tellement plus pour me foutre la honte.

  J'entends des voix. Elles sont si près. J'étouffe un sanglot étranglé, ce n'est pas le moment de paniquer. Je vais m'en sortir comme toujours. Malgré ma bonne condition physique, je me sens impuissant. J'ai l'impression de courir pour rien, ils continuent de se rapprocher, et moi, je m'épuise. J'essaie de reprendre mon calme mais comment faire quand on est poursuivi par une horde de gardes ?! Il faut que je ruse, que je les mène sur une mauvaise piste.

  Je prends un tournant à droite puis ouvre une porte. Je vérifie que la salle soit inoccupée et ressors par une autre pièce. De là, je déboule dans un couloir vide. Je soupire de soulagement et marche rapidement en longeant les murs. J'essaie de reprendre ma respiration mais j'ai très dur. Je m'arrête pour écouter s'il y a le moindre bruit, aussi infime qu'il soit. Rien.

  Je continue le chemin en restant sur mes gardes. Au moindre grincement, je sursaute en regardant dans tous les coins avant de repartir. Malheureusement pour moi, je tombe sur des gardes en faction à l'entrée de la galerie. Je veux partir discrètement mais... ils me remarquent.

_Eh toi ! Arrête-toi ! m'ordonne l'un d'eux.

  Je fais semblant de ne pas l'entendre en accélérant l'allure. Faîtes qu'ils ne me reconnaissent pas !

_C'est le prince, le roi a donné l'ordre de l'attraper !

  Raté... ! Je prends la poudre des escampettes en me faufilant dans une salle. Je sais qu'il y a une seconde sortie. Ils hurlent dessus en me poursuivant. Tant qu'ils s'engueulent, j'ai une chance de m'échapper. J'utilise toutes sortes de stratagèmes mais je sais que ma fin est proche.

  Non... S'il vous plaît, Dieu aidez-moi ! Je suis à bout de force, je n'ai aucun moyen de m'enfuir ou de quitter le château. Tôt ou tard, on me trouvera. J'halète en trottinant. En plus d'être crevé, ma crise de spasmophilie s'invite à la partie. Je réussis à faire encore un pas avant de m'effondrer sur le sol gelé. Je tremble de tout mon corps, j'ai froid. Mon visage se relève dans des tics incontrôlés. J'ai envie de hurler mais je n'y arrive pas.

  Des pas claquent dans mon dos, je veux ramper pour m'échapper mais je n'en n'ai plus le courage. Quelqu'un me soulève du sol par la ceinture de mon pantalon. Je veux me débattre mais je reste pantelant sous cette emprise. La personne ouvre une porte et me pousse dedans. Je tombe à plat ventre, comme une grosse merde que je suis. Je me tourne sur le dos pour apercevoir la personne qui vient de me condamner.

  Jordan... Il est là à me regarder. J'ai envie de pleurer de soulagement, il est venu me sauver. Il a beau l'air d'être énervé, il vient m'aider. Ma crise de spasmophilie se calme mais des larmes coulent sur mes joues. J'ai envie de lui crier combien je suis content de le voir. Je veux lui dire merci mais ma gorge est nouée sous l'émotion et la fatigue.

  Soudain, la porte s'ouvre sur... mon père. Je me fige en le voyant entrer, le visage satisfait. Toutes mes craintes reviennent d'un seul coup.

_Bien joué, Jordan, dit-il en lui tapant l'épaule.

  Quoi ?! Ils... Lui et Jo... ? Non ! C'est impossible ! Non ! Mon meilleur ami sourit à mon père puis se tourne vers moi. Il me montre le visage d'un monstre. Il me veut du mal, il m'a trahi. Je veux m'éloigner d'eux mais Jordan s'approche de moi et me maintient au sol. Je crie, j'hurle, je le supplie mais rien n'y fait. Il garde ce rictus sadique. Mon père rit et tire sur sa ceinture pour la déloger. Je me mets à crier de toute mon âme, de tout mon cœur. Un hurlement de terreur sans fin...

  Je me réveille terrorisé dans mon lit. Un mélange de larmes et de transpiration coulent sur mon visage. Je jette un coup d'œil à droite et à gauche, il n'y a rien. Personne n'est dans ma chambre, mon père n'est pas là et encore moins Jordan. Je me lève en tremblant de mon lit, il est humide de sueur. Je manque de m'affaler au sol tellement je suis fébrile. Je me dirige vers mes armoires, puis sous mon lit, dans la salle d'eau... Afin de vérifier que personne ne s'y trouve. Une fois rassuré, je me laisse tomber par terre. Je ramène mes genoux vers mon torse et cache mon visage. Je reste comme ça, un long moment. Je finis par prendre un médicament et me recoucher dans mon lit en serrant la couverture autour de moi, comme si elle pouvait me protéger. 

La Couronne En Détresse, Tome 2 : Sous La Tourmente Du PrinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant