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Lorsque Finn et Daisy rentrent, il est vingt-deux heures passées. Entre temps, ils sont allés acheter une gaufre à un marchand ambulant, Finn a continué de tirer dans des bouteilles et elle l'a regardé faire, le soleil a décliné, ils ont fait des ricochets, bref : ils ont tué le temps, comme dans 500 lux.

Le soleil s'est presque entièrement couché, et quelques reflets rougeoyants subsistent. Finn gare son vélo à l'emplacement où il l'a trouvé et suit Daisy qui vient de s'engouffrer dans l'immeuble. Dans l'appartement, la soirée a déjà commencé, des sachets à la contenance douteuses circulent, la pièce est baignée successivement de rose, bleu, violet, rouge... Finn et Daisy pénètrent dans la chambre, qui à leur grand damne, est déjà occupée par trois personnes.

- Déjà ? Il est même pas vingt-trois heures !

Pour toute réponse, on lui claque la porte au nez, sous les gloussements des deux autres, derrière. Il pousse un soupir et prend le poignet de Daisy pour l'emmener jusqu'au salon. Il n'y a pas un endroit qui ne soit déjà envahi. Finn n'aime pas se retrouver entouré d'autant de drogues, ça lui rappelle toujours son ancienne maison. Daisy sent son agitation, et fait glisser sa main dans la sienne. Il répond à son étreinte. Elle ne le lui dit pas, mais son angoisse provoque la sienne. Elle sent son pouls augmenter de manière déraisonnée et tente de respirer plus lentement.

- On va s'asseoir, lâche Finn en s'avachissant sur le sofa.

Elle fixe sans le voir le bout de la pièce, concentrée sur son pouls, sa respiration. Elle angoisse d'angoisser. Ça fait beaucoup de monde, et longtemps qu'elle n'a pas été autant entourée. En fait, ça doit remonter au jour de son départ.

- Ça va ? Lui demande Finn.

Elle lâche le mur des yeux et hoche la tête positivement. Même si, non, ça ne va pas. Rien ne sert de l'inquiéter. Le jour de son départ. L'escalier, l'odeur de la voiture neuve, la voix dans l'aéroport. Et ce doute qui l'a assaillit pendant une heure entière, assise sur son siège, les mains contractées autour de son pauvre sac. Ce même sentiment de peur, le même rythme cardiaque effréné. C'était sans aucun doute les minutes les plus longues de sa vie. Trop tard pour faire marche arrière, comment expliquerait-elle à ses parents où elle se trouvait sinon? Et puis tous ces gens... Elle ne savait même pas prendre l'avion. Du bruit, partout autour d'elle. Elle sera seule, on abusera peut-être d'elle. Seule. Elle l'était déjà. Trop tard pour faire marche arrière.

- Elle est cool ta veste.

Daisy cligne des paupières. Elle n'avait même pas remarqué l'absence de Finn. Elle tourne la tête vers son interlocutrice qui la regarde avec curiosité, derrière la fumée de sa cigarette, le coude appuyé sur sa cuisse. Elle a des yeux verts, clairs, et des cheveux mi-longs épais châtains, un peu ondulés. Daisy la détaille, elle oublie de lui répondre. L'inconnue porte la cigarette à sa bouche. Where Is My Mind des Pixies, joue en fond.

- T'es une amie d'Ivy ?
- Non.

Daisy n'est pas sûre qu'elle l'ai entendu à travers la musique. Elles continuent de s'observer, jusqu'à ce que l'inconnue décroise les jambes et s'adosse au sofa. Elle sourit un peu en coin, comme amusée. Puis elle se penche à nouveau en avant et dit :

- Je te sers un verre ?

Et comme Daisy n'arrive pas à se calmer, elle accepte. Elle a peur d'alarmer Finn. L'inconnue se lève et Daisy le cherche des yeux. Il est sur scène, il joue de la guitare et chante dans son micro. Il est attendrissant lorsqu'il est sur scène. Tellement sérieux.

- J'ai pas trop tassé. T'as pas l'air d'être le genre de personne à tenir l'alcool.

Daisy lève les yeux vers elle et boit immédiatement quelques gorgées de l'immonde breuvage. Elle se retient de lui demander comment elle pourrait le savoir.

LES MAUVAIS GARÇONS Où les histoires vivent. Découvrez maintenant