#Chapitre 10

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Curieuse de connaître la raison de cet appel soudain, je me faufile entre les nombreux élèves. Je quitte l'aile Calliope, descends d'un étage et me retrouve dans le grand hall que je traverse en direction de l'administration selon mes souvenirs de la veille. Une fois à l'accueil, un vieil homme, la soixantaine largement passée, m'indique un fauteuil où patienter sans un mot. Surprise par son aigreur, je m'avance tout de même dans la salle d'attente. Déjà installée sur un canapé, je reconnais la chevelure bleue de Charline, mastiquant un chewing-gum avec provocation. Elle me remarque alors que je prends place non loin d'elle.

- Ah ! tiens, salut Will ! m'accueille-t-elle avec enthousiasme. Sympa le look salopette-Converses, j'adore !

J'ignore comment le prendre : est-elle sérieuse ou ironique ? Dans le doute, je me contente de la saluer à mon tour et de la remercier avec hésitation. Comprenant mon malaise, elle ajoute :

- Je suis sérieuse ! Bon, d'un autre côté, je ne suis sans doute pas la référence en termes de mode ici... Je suis plus ou moins la hippie de l'école. Mais j'aime bien.

Je hoche la tête. Le silence retombe doucement, pesant. Je finis par le briser :

- Pourquoi tu es là ? l'interrogé-je.

- Manque de discipline, m'explique-t-elle avec un haussement d'épaule fataliste.

- Tu as une idée de ce qu'ils me veulent ? relancé-je.

- Sans doute t'endoctriner, comme tous les élèves des Neuf Muses. Je ne peux qu'espérer que tu seras plus intelligente qu'eux, Will.

Perplexe, je la regarde bêtement l'espace d'un instant. OK... J'ignore le fond de vérité derrière ses propos mais j'espère secrètement qu'elle ne cherche qu'à me faire peur. En tout cas, un nouveau stress me serre les entrailles. Charline me fixe de son regard brun et perçant. Je me sens mise à nue ainsi détaillée des pieds à la tête. Ma jambe se met à tressauter inconsciemment. Finalement, la jeune fille se lève d'un mouvement brusque. Je sursaute. Elle me prend le poignet pour retourner ma main, paume vers le ciel. Elle tente un sourire rassurant.

- Je peux ? m'interroge-t-elle, guettant mon approbation.

Ignorant de quoi elle parle, je hausse les épaules. Charline se penche sur ma main et fais courir ses doigts sur les lignes de ma paume. Je suis franchement mal-à-l'aise. Et encore, c'est un euphémisme... Après une étude approfondie de ma main, elle relève la tête et m'annonce :

- Tu es une fille intelligente Will, me traduit-elle. A priori, tu vivras longtemps et heureuse bien que malchanceuse. Tu es une femme de voyage. Tu réussiras beaucoup de choses.

- D'accord..., acquiescé-je peu convaincue par sa démonstration.

Au moins, elle n'a pas lu que j'étais bête comme un pied et aussi mouvante qu'un cactus en plein désert. C'est déjà ça...

- Je m'inquiète davantage pour Ania à vrai dire, poursuit-elle. Ses lignes de vie sont plutôt négatives. J'ai lu qu'elle ne dépasserait jamais les vingt ans, qu'elle allait beaucoup souffrir et que la chance ne lui sourirait pas.

Je commence à me poser de sérieuse question quant à la santé mentale de cette fille des plus... étranges. Je ne réponds rien à sa sentence macabre, compatissante envers cette pauvre Ania qui n'a probablement rien demandé. L'atmosphère entre nous devient lourde et oppressante. Je prie le ciel pour sortir de là.

Heureusement, je suis entendue. Presque aussitôt, une porte s'ouvre à la volée. Un homme un peu rond vêtu d'un costard, l'air sévère, se tient dans l'encadrement.

- Charline, laisse Mlle.Santiago tranquille avec tes histoires absurdes, lance-t-il, menaçant. Je m'occupe de toi dans une seconde. Mlle.Santiago, suivez-moi.

L'Ecole des Neuf Muses [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant