#Chapitre 58

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Des éclats de voix retentissent dans le couloir de l'infirmerie, ce qui me sort de mon étrange torpeur agitée. Je bats des paupières pour chasser les derniers voiles de sommeil, découvrant Logan toujours assis sur son fauteuil. Interpelé par la discussion houleuse, il relève la tête de son livre. Comme lui, je tends l'oreille. Je reconnais sans mal la voix bourrue de mon père et celle, plus conciliante, de Karen.

- Non ! s'énerve mon père, c'est tout simplement inadmissible, Karen ! Vous avez merdé sur toute la ligne, il n'y a rien d'autre à en dire ! Vous saviez que les enfants pouvaient courir un risque et vous avez pourtant été négligeant avec leur sécurité ! Cinq personnes seulement pour s'assurer qu'aucun danger ne menaçait une cinquantaine d'étudiants ?! Sérieusement ?!

Je n'avais encore jamais entendu mon père s'emporter aussi violemment. Chaque mot est tranchant, agressif et je plains la conseillère d'éducation obligée de subir sa fureur...

- Jon... tempère piteusement cette dernière. Nous sommes sincèrement désolés, je t'assure. Quant à notre manque de vigilance, ça n'aura plus lieu. Pour ce qui est d'Alaric, il ne pourra plus sévir...

Alaric ? Voilà un nom qui m'était encore inconnu. De qui peut-il s'agir ? Mais je n'ai pas le temps de m'appesantir sur le sujet que leur silhouette se découpent derrière la porte vitrée de l'infirmerie. Cependant, ils n'entrent pas. La main posée sur la poignée, mon père fusille la jeune femme, la surplombant de son mètre quatre-vingts passé.

- Je vous l'avais confiée car elle était censée être plus en sécurité ici que partout ailleurs ! Pourtant, en moins de six mois, elle s'est retrouvée en danger bien trop souvent à mon goût et en a vu bien plus que ce qu'une jeune fille de seize ans devrait traverser. Elle a déjà assisté à la mort lente et douloureuse de sa mère, la perte subite de son grand-père... Je pensais qu'en venant ici, elle aurait droit à une vie de lycéenne sereine, que vous sauriez les préserver de ce conflit au sein d'Athéna. Pas qu'elle découvrirait trois cadavres, interviendrait dans une tentative d'enlèvement, qu'Octavius la menacerait directement et parviendrait si facilement à s'en prendre à elle ! Ma décision est prise, Karen. Je la désinscris des Neuf Muses, un point c'est tout.

Je sursaute à ces mots. Me retirer de l'école ? C'est ça la solution de mon père ? Comme si cela allait changer quelque chose... Cela n'aurait pour effet que de me priver de toutes ses personnes avec lesquelles je me suis peu à peu liée, mes amis, Jaz, Mathias et Adam, Karen et Hartmann, Maurice et Harold pendant mes longues heures de colle... Je courrais le même danger, mais seule. Sans pouvoir compter sur eux, sur leur aide et leur soutien. C'est hors de question.

A travers la vitre, Karen pose la main sur l'épaule de mon père. Ce dernier s'affaisse, las.

- Tu ne sais pas ce que c'est que de recevoir un appel de bon matin pour apprendre que sa fille est entre la vie et la mort, Karen. Elle est tout ce qu'il me reste, je ne peux pas la perdre. Pas elle, pas ma Willow. J'ai fait le deuil de mon père et de Thalia, mais jamais je me remettrais si je devais enterrer ma propre fille...

La détresse de mon père me coupe le souffle. Incapable de détourner mon regard de lui, je l'observe tenter de se redresser, mais la fatigue et le désespoir restent perceptible dans la légère courbure de son dos.

- Je comprends... souffle ma psy en baissant la tête. Mais tu sais aussi bien que moi que la faire changer d'établissement n'est pas une solution... Si Octavius la cherche, il la trouvera. Où qu'elle soit... Mais je comprends.

- Non, visiblement tu ne comprends pas ! la repousse mon père avec virulence. Et comment le pourrais-tu ? Tu n'as jamais eu d'enfant !

Karen cille, comme s'il l'avait frappé.

L'Ecole des Neuf Muses [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant