Ils prirent donc la route à vive allure, s'élançant avec entrain et énergie dans le paysage vallonné de la Corma centrale.
Au bout de quatre jours, ils durent ralentir l'allure, car Kyarina, peu endurante et peu habituée aux longs voyages, traînait la patte en se plaignant de douleurs plantaires. Elles furent tant et si douloureuses, qu'au cinquième jour ils durent s'offrir une journée de repos qu'ils mirent à profit pour s'entraîner à la pâlurgie.
Ils avaient établi leur bivouac dans une petite forêt d'érables, engoncée dans une cuvette naturelle d'une ou deux lieues de long et de large. À peu près au milieu, ils y avaient découvert un petit étang avec un ponton à moitié écroulé.
Le lieu avait immédiatement apaisé Cayn qui s'était surpris à penser que ce serait un bel endroit pour vivre. Il avait même trouvé l'endroit idéal pour se construire un petit cabanon qui serait devenu au fil du temps une chaumière puis une maison. Enfin, s'il n'avait pas été un rémor...
Cayn avait insisté pour diriger l'initiation de Kyarina à la pâlurgie, prétextant qu'il serait plus en phase avec elle du fait de leurs âges similaires. En réalité, il voulait surtout passer du temps avec elle et il adorait la voir concentrée ou encore les yeux fermés.
Dans le premier cas parce qu'elle avait cette petite façon de plisser les lèvres qui la rendait irrésistible, dans le deuxième parce qu'elle avait l'air tellement paisible que plus rien ne semblait avoir d'importance autour d'elle, que les problèmes s'effaçaient et disparaissaient dans une volute d'insouciance.
Or, les premiers exercices de pâlurgie nécessitaient méditation et concentration extrême. Une aubaine pour Cayn. Ce fut peut-être ce qui expliqua qu'à la tombée du jour, ils n'avaient encore réussi qu'à s'effleurer de leurs pâls, alors qu'avec l'entraînement de Thimoléon elle aurait déjà dû être capable d'exprimer quelques mots en pensée.
Cayn conclut sagement de cette journée que, pour le bien et la survie de son amie, il valait mieux qu'elle reçoive les enseignements de son mentor.
Au septième jour, Thimoléon portait désormais deux paquetages et Cayn une Kyarina sur le dos tantôt s'extasiant sur le panorama, tantôt s'exerçant à ses nouveaux dons de rémors. Elle avait en effet décrété que ses pieds n'accepteraient pas de faire un pas de plus.
Heureusement, elle ne pesait pas beaucoup plus lourd qu'un paquetage et Cayn était plutôt robuste, sans compter ses forces nouvelles dues à sa remémoration. Ils parcoururent donc ainsi de nombreux paysages vallonnés.
Les collines se suivaient, mais ne se ressemblaient pas. Tantôt, ils enjambaient un petit ruisseau, tantôt ils traversaient un petit pont de pierre rouge qui chevauchait une rivière. Tantôt, ils foulaient les tapis d'automne de feuilles rouges et ocres de denses forêts délicatement parfumées d'une odeur de terre humide. Tantôt ils longeaient d'immenses prés où broutaient paisiblement vaches et veaux.
Le clou du spectacle fut sans doute la petite cascade découverte au détour d'une colline plus haute que les autres. Elle n'était pas naturelle, car elle avait été creusée et décorée. Au-dessus de la source de la petite chute d'eau, était sculptée dans la roche une très belle femme tenant une amphore penchée de sorte que l'on ait l'impression que l'eau s'en échappait.
Plus bas, deux statues représentant un homme et une femme agenouillés tendaient les bras et tentaient d'attraper les flots qui s'échappaient entre leurs doigts rocailleux. Une inscription, gravée sur le rebord du bassin indiquait que l'œuvre représentait l'Ytesse Divo, qui était l'incarnation des cinq éléments dont l'eau ici représentée.
Thimoléon admira le travail de l'artiste, Kyarina la beauté qui résidait dans la tendresse de la scène et Cayn fit remarquer que le dédain Ytite vis-à-vis des humains était parfaitement retranscrit. Après que Cayn ait été aspergé d'eau pour son crime de lèse-contemplation, ils mangèrent un morceau avant de se remettre en route.
En fin de compte, au lieu des vingt jours de marche escomptés, ce ne fut qu'au bout du vingt-cinquième jour qu'ils arrivèrent en vue de la grande Falassë. Le spectacle de cette cité fit oublier la douleur aux pieds de Kyarina.
Elle était colossale, longue et menaçante. Une immense muraille semblait sortir de l'Océan des Ourys à l'ouest pour traverser le bout de terre rattachant les deux parties de Corma, avant d'aller replonger dans la Mer Maiwe, à l'est.
Les remparts étaient blancs comme des os de seiche et lisses comme le plus poli des miroirs. Un ingénieux système faisait couler de l'eau depuis les hauteurs des murs, ce qui les faisait briller sous les rayons du soleil, en plus de les rendre impossibles à gravir.
Deux immenses citadelles de forme triangulaire trônaient face à la mer de chaque côté de la ville fortifiée. Malgré l'incroyable muraille, les trois amis ne purent s'empêcher d'être plus impressionnés encore par ces forteresses.
Comme pour les remparts d'ivoire, les murs de ces châteaux luisaient au soleil, alors que ceux-ci étaient pourtant noirs comme la nuit. La lumière se reflétait néanmoins sur l'étrange matériau dont étaient faits les murs, qui ne ressemblait à rien qui puisse être trouvé sur Opar. Thimoléon expliqua que ces citadelles étaient en réalité des temples des Ytes, qui auraient été là bien avant l'apparition des hommes.
Mais le plus incroyable était qu'entre deux parties alignées de ces structures qui ressemblaient plus ou moins à des ailes, s'élevait un faisceau lumineux qui rejoignait les cieux. La noirceur des édifices contrastait ainsi étrangement avec la blancheur de ce rai magique qui semblait établir un contact direct vers les Ytes.
Et cette semi-présence qui faisait chatoyer un avertissement à peine dissimulé rendait l'atmosphère inquiétante, voire sinistre. Ce qui était sûr, c'était qu'aucun homme n'aurait jamais pu être capable de bâtir une telle structure, et qu'ils n'avaient plus qu'à contempler le pouvoir de ceux qui l'avaient fait.
Comme pour renforcer la sombreur de ce paysage, nombre de bateaux étaient amarrés dans chacune des baies, à en noircir la surface de l'eau et quelques colonnes de fumée s'élevaient de derrière les remparts, à en noircir les nuages. Thimoléon prit la parole, l'air pensif et inquiet :
« Bien, désormais il va falloir nous montrer particulièrement prudents,mes enfants. Cette organisation dont je vous ai vaguement parlé, le Carcan d'Argent, et bien... Ma foi, elle est particulièrement active dans cette ville. Et évidemment, ils sont rompus à la chasse aux rémors. Ils sont donc entraînés à contrer nos pouvoirs pâlurgiques... »
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Existences - Tome I : La traque des Rémors
FantasyExistences raconte l'histoire des Rémors, des individus qui acquièrent un pouvoir incroyable mais interdit par les dieux de leur monde. Proscrits, pourchassés par le clergé et systématiquement dénoncés par la population, ils sont obligés de se dissi...