27 : Démasqués !

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Il fit alors plus attention au brouhaha qui crépitait autour de lui. Rattrapé par sa curiosité, il ouvrit finalement les yeux. 

Contrairement au port de Falassë, d'où ils étaient partis, celui d'Ondo était tout en longueur et les bateaux étaient tous alignés le long de la côte, amarrés à de larges pontons en bois clair qui permettaient de rejoindre le rivage. 

Et quel rivage ! Une falaise abrupte de roche beige qui plongeait directement dans une eau turquoise et cristalline, mais assez profonde pour en dissimuler ses abysses dans l'obscurité. 

En y regardant de plus près, Cayn s'aperçut que les pontons pénétraient directement dans la roche dans laquelle avaient été creusés des cavités et des escaliers pour rejoindre le sommet de l'escarpement. En remontant la falaise des yeux, Cayn put voir quelques loggias à larges balcons de bois dépasser de son flanc, ainsi que de grandes ouvertures béantes agrémentées d'énormes poulies et divers monte-charges. 

Au sommet se dressait une palissade de bois, parsemée de plusieurs tours de guet, qui devait servir plutôt de garde-fou que de réelle protection tactique. Derrière cette clôture, on devinait une végétation luxuriante qui débordait par le dessus. Cayn se fit la réflexion que les guetteurs avaient soit une excellente vision, soit la belle vie, car bien peu de choses à faire ou à surveiller.

Un mouvement sur sa gauche attira son attention. Sur la cime d'un pic rocheux au bout de la jetée, détaché de la falaise, se dressait un grand phare de pierre. Au sommet du promontoire, trois énormes treuils laissaient pendre d'énormes câblages, dont l'un était en pleine action.

C'était ce qui l'avait interpellé du regard : la poulie était en train de remonter une large amarre au bout de laquelle était fixé une sorte d'énorme réservoir, une demi-sphère reliée au câble par une dizaine d'anses métallique. 

Deux autres citernes identiques pendaient au bout des autres treuils au pied de l'escarpement, au ras de la mer. Alors que Cayn s'interrogeait sur l'utilité de ce mécanisme, une voix surgit de son dos et le fit sursauter :

« Ce sont des flambeaux géants, ils font partie intégrante du phare. Ils servent à nous prévenir que nous approchons des falaises d'Ondo, ainsi nous en voyons le sommet de loin et la base de près.

— Ah ! C'est vous capitaine Laoban, vous m'avez fait peur, s'exclama Cayn reconnaissant le navigateur qui les avait conduits jusqu'ici.

— Pourquoi cela ? Vous vous sentez en danger ? demanda Laoban en caressant sa longue barbe d'un air songeur.

— Pourquoi me sentirai-je en danger ? fit Cayn, soudain méfiant.

— Peut-être parce que vous et vos compagnons êtes des rémors. »

Le capitaine avait jeté un froid, littéralement. Les entrailles de Cayn s'étaient gelées. Pris sur le vif, il ne savait plus quoi répondre. Il jeta un coup d'œil vers le port, s'attendant presque à voir débarquer une cohorte de gardes ou de dévots. 

Mais il ne vit rien d'autre que des marins occupés à décharger et des marchands à gribouiller quelques notes sur un inventaire. Il se retourna vers Laoban qui le regardait d'un air qui ne laissait rien transparaître. Il lissa sa longue moustache et ses yeux plissés luisirent un instant avant qu'il ne reprenne la parole :

« J'ai beaucoup voyagé, Cayn, j'ai vu beaucoup d'horreurs et bien plus de choses encore. Mais c'est la première fois que je rencontre des rémors et... je dois dire que je me faisais une image différente de vous. Mais après tout, je n'ai eu que la version de ceux qui vous chassent. Avant que je ne me décide ou non à appeler la garde, dites-moi juste une chose : que comptez-vous faire de votre pouvoir ?

— Comment avez-vous... bredouilla un Cayn ébahi.

— Pu le deviner ? Je suis le capitaine de ce navire et c'est mon devoir de veiller sur mes hommes. Je me suis entraîné, il y a longtemps à contrer les illusions de la pâlurgie et à reconnaître les rémors, juste au cas où. Mais jusqu'à aujourd'hui, je me disais que c'était de l'argent jeté par-dessus bord. Vos compagnons sont admirables, ils ont passé le voyage à manipuler mon équipage pour ne pas qu'ils vous confondent. Hélas, cela n'a pas fonctionné sur moi, et j'ai vu. Difficile de rester maître de ses émotions en étant malade comme un chien, n'est-ce pas ? Vos yeux vous ont trahis, malheureusement pour vous. Toutefois, malgré ce déploiement de magie sur mes hommes, aucun de vous n'a fait de mal à mon équipage ni n'en a profité pour son profit personnel, d'où ma curiosité. Maintenant, répondez à ma question, Cayn.

— Je veux rendre leur liberté aux rémors et aux hommes, répondit Cayn avec toute l'assurance qu'il pouvait trouver en lui, ayant décidé d'être honnête avec cet homme. Je veux que les rémors cessent d'être persécutés. Nous ne sommes pas les monstres que l'on veut vous faire croire. Nous ne sommes que des hommes qui faisons l'affront à des êtres supérieurs et à leurs chiens de ne pas être sous leur contrôle. Je veux trouver le moyen de briser la tyrannie des Ytes sur l'esprit et le destin des hommes, je veux que nous puissions être maîtres de notre propre chemin. Et surtout, je ne veux plus être chassé juste parce que j'existe. »

Existences - Tome I : La traque des RémorsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant