Diktat 1 - La Femme sent La Fleur

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Engeldorf
Mai 2122
La nouvelle Allemagne

Une ville morte.. Non, en réalité, c'était bien pire que cela. Le monde retournait à ses âges sombres. L'électricité, étant devenue une denrée rare, on se nourrissait comme on pouvait. La pauvreté avait grimpé en flèche. Les passants, vêtus de haillons déchirés, défilaient nonchalamment comme des morts vivants.

Les seules personnes à mobilité avancée roulaient en vélo, en scooter bricolé, les plus chanceux en 306. Une politique d'économie énergétique avait été instaurée pour le bien de la population. Il faut dire qu'après la grande tragédie, c'était devenu un impératif.

Vers le secteur Nord de la ville, près d'un terrain de foot abandonné, se trouvait un lycée qui ne comptait qu'une trentaine d'étudiants, répartis en 5 classes selon leur niveau.

Mais la plupart des concernés ne daignaient même pas à se présenter aux cours. Ce qui obligeaient les professeurs à donner des leçons à des fantômes lors des journées peu lucratives. Le savoir devait être transmis pour assurer la pérennité de la société, l'améliorer. Mais cette idéologie n'atteignait pas l'esprit de la majorité.

Malgré cette incitation à l'alphabétisation, le niveau restait médiocre. Ce problème était accentué par la triste état des salles de classe, où respirer de l'air pur devenait un challenge tant les environs étaient saturés.

Aujourd'hui, comme très souvent d'ailleurs, Severian siestait sur le toit du bahut. Le cours de chimie l'ennuyait au plus haut point. Adossé contre un muret en béton, faisant face à des grillages imposants, il se délectait du peu de fraîcheur que lui procurait la terrasse.

C'est alors qu'un jeune homme, plutôt grand, de courts cheveux bruns soignés, une expression bienveillante sur la face, vêtu de l'uniforme du lycée, chemise blanche et pantalon vert foncé, s'abaissa près de son ami qui était vêtu pareil et le secoua légèrement.

— Houhou.. Ce n'est pas l'heure de pioncer petit malin, lui murmurait-il.

— T'es lourd Caïn..., lui répondit difficilement Severian encore endormi. Il avait d'immenses cernes sous les yeux, partiellement dissimulés par ses lunettes.

Alors qu'il s'efforçait de retourner dans son rêve, un bout de tissu vint recouvrir son nez. Une odeur infecte lui pénétra les narines avec violence et agressivité. D'un mouvement subite, il se débarrassa de l'objet avant de s'isoler quelques mètres vers la gauche, pensant à une agression.

— Tu viens de blasphémer mon pote, répliqua Caïn en ramassant le précieux bout de tissu.

— Qu'est-ce que c'était ça? demanda Severian en ayant repris son calme. Il gratta ses courts cheveux noirs négligés, se rendant compte de son exagération.

— Ça s'appelle un string ! déclara fièrement Caïn en étalant le sous-vêtement. Apparemment, toutes les bonnes femmes en portaient.

— Où l'as-tu trouvé?

— Chez un antiquaire clandestin. Pour l'odeur, par contre, rassure-toi, les propriétaires ne sentaient pas aussi mauvais, dit Caïn en tendant la main à Severian, l'aidant à se redresser.

Le binoclard se dépoussiéra entièrement avant de remettre ses lunettes en place.

— Tu enfreins la loi de la secte.. S'ils te mettent la main dessus, tu risques de..., lui déclara-t-il avant de se faire couper.

— Je m'en moque. Je ne crois pas que les femmes valent moins que des steak frites. En conséquence, je refuse de reconnaître Athanasius comme le prophète gourmet, affirma Caïn avec beaucoup de légèreté et de sincérité.

— Arrête d'être aussi cool.. Tu m'énerves Caïn, dit Severian en emboîtant le pas vers les escaliers, dépassant ainsi son ami. Celui-ci le rattrapa aussitôt puis lui ébouriffa malicieusement les cheveux.

— Et toi, arrête d'être aussi lourd.. Monsieur je sèche les cours de chimie par flemmardise.

— Au moins, je ne me tape pas des 2 en Français.. Monsieur parfait.

— Tu ne ménages pas mon pauvre cœur, cher ami.

— Ce n'était pas mon intention. Et ça ne le sera probablement jamais.. Du moins les risques sont assez faibles.

— Hâtons le pas Messire.. Avant que monseigneur Wandell ne fasse une seconde attaque suite à nos absences répétées, répliqua Caïn en faisant une courte révérence, prenant par la même occasion des airs de grandeurs.

— Pas mal.. Si tu étais aussi courtois avec tes copies, je reconnaîtrai ta maîtrise.

— Ha Ha.. Ne demande pas l'impossible. Déjà que formuler cette phrase sans fautes relevait de l'exploit.

— Petit joueur va, répondit Severian en traversant le couloir. Un ciel gris illuminait le paysage, avec des rayons argentés que filtraient les fenêtres du lycée. Caïn l'accompagnait pour achever cette journée lassante, comme à l'accoutumée.

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