La sombra de Addyson

XVI~Dône

   On est dans la carrière et Logan soulève Hardin pour le poser sur son cheval. Ce petit a six ans et il monte complètement à cru.

" Hardin tu n'as pas de selle? Je demande en m'approchant.
- Bah oui c'est vrai ça petit, tu vas tomber comme ça. Ta mère est trop pauvre pour t'acheter un équipement digne de ce nom. Se moque Paco, un des jeunes du groupe.
- Paco ça suffit! Dis-je, sévèrement.
- Pas besoin de selle quand tu es bon cavalier de naissance. Rétorque Hardin en le prenant de haut. Ce petit n'a décidément peur de rien.
- Ça veut rien dire. Tout le monde monte avec une selle. Répond Hilary une autre cavalière.
- Bah pas chez moi. On a pas appris comme ça et nos chevaux ne sont pas dressés pour supporter des selles. Conclut finalement Hardin en commençant à marcher."

   On échauffe les chevaux et il est vrai que Hardin est bon cavalier, ce qui me fait rire c'est que Saltarïo reste côte à côte avec Arcazío, ils sont parfaitement synchronisés, comme toujours. C'est inné chez eux.

   Je complique le cour et je commence à mettre des obstacles, Hardin les saute sans pour autant retomber lourdement sur son cheval ce qui me fait penser qu'il a vraiment appris à monter et sauter sans avoir de selle.

   Le cours se termine et on retourne à l'écurie pour s'occuper des chevaux avant de les remettre au pré ou de les nourrir. Logan est rentré, emmenant Summer avec lui. Hardin a insisté pour rester encore un peu avec les chevaux de sa mère.

   Je me décide à aller le chercher avant de rentrer et quand j'arrive devant le pré, je ne le vois pas. Je plisse les yeux et je me rends compte qu'il est allongé sur le dos d'Arcazío qui broute paisiblement, troublé sous aucun prétexte. Saltarïo est un peu plus loin, à l'affût du moindre bruit suspect comme le fait le chef d'une harde de chevaux sauvages.

   Arcazío me voit et s'approche lentement, Hardin est endormi, son visage si innocent m'arrache un sourire. Je le prends délicatement dans mes bras, en essayant de ne pas le réveiller.

   Je le réveille une fois à la maison, il faut qu'il mange avant de prendre une douche et d'aller se mettre au lit. À table, il ne parle pas, sûrement trop fatigué ou triste, peut être les deux, qui sait ce qui se passe dans la tête d'un gamin de six ans qui ne connait pas son père et dont la mère est partie depuis trois jours et qui nous a donné aucune nouvelle depuis?

   Il va ensuite se laver sans pour autant nous adresser la parole. Finalement, il va se mettre au lit seul, je le regarde par l'ouverture de la porte. Il sort une photo de je ne sais où et la regarde tristement. Je m'approche de lui doucement pour ne pas l'effrayer.

" Qu'est ce que c'est ? Je demande d'une voix douce."

   Pour toute réponse, il me tend la photo. Je la prends et la regarde attentivement. Sur cette photo, on peut voir Addyson accroupie, Hardin à sa gauche et une magnifique petite fille a droite, je suppose que c'est sa sœur. Elle a les cheveux de mon frère mais elle est le portrait craché de sa mère sauf pour ce qui est des yeux, j'en ai jamais vu de si beaux, violets comme des améthystes. Derrière eux, on peut voir Saltarïo et Arcazío cabrés. A côté de la petite fille, il y a une magnifique jument blanche qui fait la révérence et de l'autre côté, il y a plusieurs chiens, toutes races confondues, mais le plus impressionnant, reste le loup couché devant eux, calme.

" Où étiez vous sur cette photo? Je questionne émerveillée.
- À la maison, c'est le paradis. Répond Hardin tristement.
- Et c'est un chien loup couché devant vous? Je veux qu'il me le dise, je n'arrive pas à le croire.
- Non c'est Lucky, notre loup. Me répond Hardin comme ci tout était normal.
- Un loup? Mais ce sont des animaux sauvages, vous avez beaucoup d'animaux dans ce genre ? Je demande de plus en plus curieuse.
- Il n'est pas sauvage mais sa maman est morte quand il est né alors on l'a pris à la maison et on lui a donné le biberon. M'explique Hardin, ça me rappelle l'histoire de cet ourson que nous racontait Addyson quand elle était petite. Et on a trois loups, une panthère et une bonne centaine de chevaux en plus de nos chiens. Ajoute-t-il alors que ma mâchoire est sur le point de se décrocher.
- Mais... Je ne sais plus quoi dire.
- T'inquiète on ne risque rien. On connait tous les animaux qui vivent vers chez nous et ils nous protègent contre les autres. M'affirme Hardin en bâillant."

   Il s'allonge et ses yeux se ferment, je suis toujours sans voix, c'est tellement irréaliste et pourtant, je sais qu'il ne me ment pas, je le verrai et il a tellement de conviction quand il le dit que ça ne peux être que vrai. De plus, il y a ce loup sur cette photo, je ne peux pas nier ce que j'ai sous les yeux.

   Je finis par reprendre mes esprits, je pose la photo sur sa table de chevet et je remonte la couette sur lui avant de quitter sa chambre pour retrouver mon mari dans la mienne.