Sylfaen - Tome 1 : Le Phénix

Chapitre 2

Encore une nuit où elle ne dormira pas beaucoup... Après un court moment de sommeil, soit à peine trois heures, elle s'était une fois de plus réveillée. Elle n'a jamais su pourquoi, mais elle s'est toujours sentie bien mieux la nuit que le jour, ce qui est en total contradiction avec sa nature de Phénix. Le jour de son arrivée, alors qu'elle avait douze ans, la directrice lui avait affirmé, sans la moindre hésitation, qu'elle était cette créature mythique. Et dès lors, cette information, qu'elle avait mis un peu de temps à accepter, avait réussi à totalement chambouler sa vie. Après avoir fait un certain nombre de recherches sur le sujet, elle avait découvert qu'en théorie elle devrait donc préférer le jour, puisqu'il s'agit d'une créature dont l'essence même est faite de flammes et de chaleur. Mais ce n'est pas le cas.

Allongée dans son lit, bien installée contre les oreillers et au chaud sous la couverture blanche et noire, elle se repose tant bien que mal. Elle ne dort pas, au contraire, elle reste bien éveillée, ses pensées en ébullition dans sa boîte crânienne, celles-ci vont et viennent à une grande vitesse. Par la fenêtre, les rayons du soleil entrent timidement, caressant son visage avec douceur. Bien que la lumière ne la dérange pas vraiment, elle gémit et se tourne dans son lit, se mettant sur le dos, les yeux braqués sur le plafond. Elle grimace, cette couleur lui rappelle cruellement celle de sa chambre au Centre, la faisant repartir dans ses souvenirs bien malgré elle.

Du blanc... encore et toujours du blanc... si seulement ce n'était que ça... avec le temps qu'elle avait passé à regarder ce plafond pouvant sans peine y distinguer toutes les nuances... toutes les couches des différentes peintures... blanc ivoire, blanc cassé, blanc neige, blanc écru, albâtre... Toutes à la fois si semblables et si différentes, un peu comme chaque occupant de cette fameuse chambre. Avec le temps beaucoup y étaient passés, arrivés là-bas pour des raisons différentes, avec des histoires différentes, mais dans le fond la même détermination à quitter cette pièce. Cette pièce qui lui a toujours semblé si sombre et froide alors qu'elle ne contenait qu'une seule et unique couleur, du blanc. Elle soupire, ce qu'elle pouvait détester cette pièce, mais elle n'avait pas eu le choix à l'époque, elle devait y rester.

Elle avait été là-bas car à l'âge de huit ans elle a involontairement mis le feu chez elle, provoquant un incendie qui a pris la vie de sa mère. Personne ne l'avait crue lorsqu'elle avait tenté d'expliquer ce qu'il s'était passé selon elle. Lorsqu'elle leur a dit qu'il s'agissait d'un accident et que le feu était sorti de ses paumes alors qu'elle était en colère. Ils ne l'ont pas cru non plus quand elle leur a dit ce qu'elle voyait à l'époque. Après tout, qui voudrait croire une fille qui voit des choses que personne d'autre ne voit ? C'était une excellente question, à laquelle Aliyah n'avait jamais réussi à trouver de réponse. Alors elle avait atterri au Centre. Elle y était restée un peu plus de quatre ans maintenant et elle était incapable de savoir si elle le quitterait un jour à l'époque. Elle avait fait partie des pensionnaires, c'est le terme qu'ils utilisent pour ne pas inquiéter les parents. Aucun d'entre eux ne veut entendre que son enfant est un patient à long terme, ou plus crûment, un fou.

Heureusement elle était sortie quatre ans plus tard, se retrouvant ensuite avec sa famille dans la demeure de ses ancêtres. Mais elle n'y était demeurée que très peu de temps, se retrouvant dans la foulée à faire la découverte de l'Académie. Et depuis, elle y était restée, ayant beaucoup appris, au point de connaître le terrain presque dans ses moindres détails. Que ce soit les dédales de couloirs et les diverses salles de classes du bâtiment principal, son Pavillon ou bien les hectares de terrains alentour, ceux-ci lui avaient dévoilé leurs moindres secrets. L'avantage, c'est qu'il n'y a plus aucun risque qu'elle ne se perde, contrairement à ses débuts. Mais après tout, elle a un très bon sens de l'orientation de base, donc les fois où elle s'était perdue peuvent se compter sur les doigts d'une main.