Injustice

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|| CHAPITRE 1 ||

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Ce n'est pas juste.

Elle se ressassait cette pensée insatiable depuis déjà quelques heures, sans pour autant que quelque chose se mette en travers de son caprice. La pièce exiguë renfermait une moiteur insoutenable, qui montait à la tête de la petite Princesse, la poussant à tituber, une main portée à son front perlant de sueur.

Une interpellation la fit frémir, provenant sans nul doute de l'imposante professeure, qui fonçait sur elle d'un pas furieux.

Son prénom, heurté par de vivaces « incapable », « empotée », « aucun mérite », ne la firent pas réagir davantage. Ce fut uniquement la marque cramoisie que lui infligea la femme en la saisissant au poignet, manquant de le tordre, qui l'obligea à revenir à la dure et cuisante réalité. Les mots fuyaient. Ils gonflaient en sa gorge, parcouraient l'intérieur sa bouche, enflaient en son palais, près d'exploser, puis coulaient pitoyablement sur ses lèvres, pour fondre de dépit - lui offrant le goût doux-amer de la défaite de l'essai.

Finalement, sa pomme d'Adam vibra, et une phrase timide prit le devant :

- Ce n'est pas juste.

Pas assez ; encore, toujours.

- Je veux plus danser.

Cela, elle se le remémorait depuis tout aussi longtemps. Cette activité éprouvante l'avait mise à bout de rouleau, et sans la présence de l'autre, une employée de ses parents, elle aurait quitté la salle pour s'affaler sur un épais matelas.

- La vie est injuste, petite, et pourtant, moi je continue à faire mon boulot, répliqua d'un air mordant l'adulte. Tu ne peux pas tout avoir. Tu es née princesse, mais inutile. Voilà tout, tu n'y changeras rien.

Elle eut du mal à assimiler ces phrases, répétées maintes fois, et rejetées par son ouïe sensible. Le mot inutile vibrait dans sa tête, provoquant des nausées et maux de tête. Elle voulait le vomir, l'éjecter d'elle, répandre chaque expression à terre pour les ramasser et les jeter, au loin, loin. Elle voulait tout éliminer. Ne garder aucun trace.

- Non, je peux pas vous écouter. Je veux pas. Je veux servir à quelque chose.

- Tu évites au prochain nouveau-né d'être deuxième de la fratrie, c'est cela de pris.

- Je veux plus danser, réitéra l'enfant.

Des larmes menaçaient d'apparaître, bien que ce ne fut pas la première écoute de ces paroles véridiques.

- Ne m'écoutes-tu donc pas ? Tu es obligée. Tu es la seconde de la portée royale, et tu sais que cela est très mal vu. Tu es destinée uniquement à séduire un prince d'une contrée inconnue, puisque le trône ne t'appartiendra en aucun cas. Tu es maudite, Invindia. Alors contente-toi de danser, comme je te le dis. Tu ne rendras jamais fier tes parents si tu persistes d'autant plus à ressembler à un canard.

* * *

La jeune fille relâcha ses cheveux trempés de leur chignon, d'un geste trahissant sa répulsion. Une fois que ses doigts glissèrent le long de ses boucles emmêlés, elle s'autorisa à pousser un soupir, lassée de la rencontre habituelle qui s'annonçait entre les brosses et ses mèches, durant laquelle un véritable duel allait s'engager.

- Princesse Invindia ? Que faites-vous ?

L'interpellée fit volte-face, un sourcil haussé, dédaigneux.

ROCHELOINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant