Cauchemar

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|| CHAPITRE 7 ||


— Mais si ! Je viens de te dire que j'ai vu Téofil se rendre dans le couloir, juste après que le Prince lui ai dit que d'aller voir le directeur !

— Attends, depuis quand y a un Prince dans ton histoire ?

— Bah... Mais, euh, je te l'avais dit, t'as pas écouté ?! Le Prince de Rocheloin, c'est le malandrin qui m'a agressée là, et qui sortait justement du bureau du Directeur ! Un vrai macaque, celui-là !

Junko mit un certain temps à comprendre l'ensemble des explications farfelues de la Princesse, cette dernière qui semblait essayer de faire usage d'une télépathie, dont elle était tout bonnement incapable. Après avoir remonté son récit décousu, elle hocha la tête. Invindia pouvait s'avérer une pépite, bien qu'imbécile. Elle allait la mener tout droit, sans le savoir, au but premier de Junko : le pouvoir de ses origines.

— Alors ? On s'y rend quand ? s'enquit la blonde.

Elle insistait depuis le début de la soirée pour se rendre dans le corridor interdit, contant de long en large son histoire afin de convaincre sa compère. Celle-ci, acculée contre le fameux sujet, ne put s'empêcher de soupirer. Voilà qui remettait en cause ses ambitions.

— C'est risqué, tenta-t-elle.

— Mais encore ? s'impatienta la Princesse.

De toute évidence, Junko aurait dû se douter qu'Invindia était assez compliquée à dissuader – une vraie mule, douée en persuasion, certes, mais qui n'en démordait pas. Un fort caractère tel que celui royal n'était toujours pas bénéfique, en fin de compte. On en apprenait tous les jours.

— Quels pouvoirs possèdes-tu ?

La figure d'Invindia afficha un air circonspect.

— Tu... C'est à ce point nécessaire de les utiliser... ? balbutia-t-elle, visiblement prise de court.

— Non non, je pense qu'on va gentiment toquer à la porte et demander au Directeur si ça ne le dérange pas qu'on fouille son bureau, ironisa la brune.

Invindia marmonna quelques excuses face à ce sarcasme, et Junko la dévisagea longuement, impitoyable, pressentant la mauvaise nouvelle. Une mouche vola. C'était effectivement durant ces moments où l'on hésitait entre savoir ou non ; ces instants où l'on sait définitivement si on désire une vérité cruelle et tranchante, ou un mensonge souriant et idéalisé.

La Princesse n'avait jamais apprécié la franchise. Elle redoutait cela, même, du plus profond de ses veines qui bouillonnaient à cette idée. La vérité était bien trop moche, fade, dure, sans issues. Terne. Indésirée. Surtout ce dernier point, plus précisément. C'était simple, elle n'en voulait pas. Tout ce qu'elle désirait, c'était une sortie de secours pour s'échapper à toutes jambes de toute cette mascarade que lui infligeait sa vie : alors, elle construisait des barrières trompeuses autour d'elle pour se protéger du déferlement redouté, quitte à s'enfuir. Malheureusement, ces constructions s'effondraient à coups d'évidences imposées durement, par ses proches, par des actes sans d'autres dénouements, comme si le mensonge n'était qu'illusoire. Il l'était, en fin de compte. Il finirait toujours par s'écrouler à ses pieds, vaincu par l'hideuse, baveuse, vérité qui rampait vers elle.

C'est pourquoi, menacée par les yeux sombres et intransigeants de Junko, elle finit par articuler, pesant ses mots avec précaution :

— Je n'ai pas de pouvoirs.

À sa grande surprise, son interlocutrice ne s'énerva pas. Peut-être était-ce pire, son exaspération immense mêlée de perplexité l'obligea à fermer les yeux longuement.

ROCHELOINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant