L'expérience

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|| CHAPITRE DEUX ||

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L'entité ouvrit l'œil pour la première fois.

Ou du moins, ce qui lui servait d'œil. La grossière forme grise qui roulait inlassablement sur elle-même, voyait encore trouble, voguant à la surface du fluide visqueux similaire à du goudron qui ne l'avantageait point.

Tantôt d'autres liquides étranges vinrent se mélanger à elle, injectés de force de l'extérieur, provoquant un torrent ardent qui fit rouler l'œil de plus belle. Ils ne se firent pas prier, et furent goulûment aspirés par celui qui était aussi noir que l'encre et qui possédait un début de conscience vivante.

En réponse au phénomène extravaguant, les humains s'agitaient avec excitation autour de l'habitacle de cristal qui renfermait la chose, semblable à un tombeau de verre scintillant.

Le spécimen qui y était enfermé cherchait inexorablement à s'étendre, envers et contre tout, remontant avec fougue les parois de sa prison de verre, effectuant multiples assauts se présentant sous formes de vagues ou encore de jets contre son adversaire qui resta pourtant indemne. La mixture désormais devenue pâteuse, se rétracta suite à sa cuisante défaite.

L'œil, après s'être habitué à sa nouvelle existence, avait assisté à la scène désolante. Il avait envie de vivre, lui aussi, tout autant que le reste de son organisme. Ce désir se manifesta au cours des heures qui suivirent : le globe oculaire s'allongea, répondant enfin aux effets des potions administrées plus tôt par les hommes, jusqu'à développer un cristallin, enveloppé d'une rétine, puis une iris, et enfin le reste de l'organe, d'une couleur unie de gris.

Cependant il n'était pas le seul a avoir effectué une fulgurante révolution ; le fluide qui l'entourait se transforma également. Sa forme changea inéluctablement, s'affinant, s'allongeant, se contorsionnant de toutes ses forces pour enfin obtenir une matière organique, un corps à la forme humaine.

Malgré le fait que la créature ait été dotée d'une mémoire assez complète à l'origine, les informations mettaient encore du temps à lui parvenir, c'est pourquoi cette dernière semblait en état de végétation. L'essence qui l'animait demeurait fraîchement agitée, telle une larve tout juste sortie de l'œuf. L'étrange substance se modifiait continuellement, prises de convulsions à chaque recoin du corps, comme si elle cherchait à s'adapter continuellement à l'environnement, ne souhaitant s'arrêter que lorsqu'elle eût trouvé la forme adéquate.

Soudain, la capsule de glace s'ouvrit en deux, et la créature fut soulevée par une force invisible. Cette dernière paniqua intérieurement, car son état larvaire impliquait que ses membres soient encore mous et fébriles, dépourvus de toute résistance.

Quand l'entité ouvrit à nouveau les yeux, elle se trouvait désormais sur une table de matière blanche et lisse, ce qui lui rappela son ancien habitat de verre. Néanmoins, cette fois, d'immenses miroirs au nombre incalculable pendaient du plafond, recouvrant entièrement sa vue. Elle ne put détourner sa vision aimantée à son nouvel aspect ; l'humanoïde distinguait pour la première fois ce qu'était devenu son corps. Elle avait pris l'apparence d'une humaine d'âge jeune, aux formes très légèrement développées et à l'air enfantin, voire mignon.

En effet, son visage était caractérisé d'yeux en amandes, légèrement bridés et dont les iris s'étaient dotés d'une couleur opaque et profonde qui assombrissaient son teint clair, d'un petit nez rond et de lèvres rosées. Ses cheveux quant à eux, avaient abondamment poussé et lui parvenaient presque aux épaules, lui offrant un joli carré ébène.

ROCHELOINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant