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Rose Lefebvre erre sans but dans les rues de Paris. Elle titube telle un ivrogne, pourtant elle ne boit pas. Un sourire douloureux déchire son visage. Elle retient ses larmes, espérant ne pas attirer l'attention. Elle finit par s'assoir sur le parapet du pont de Bercy. Les passants la dévisagent, ils dévisagent cette gamine habillée étrangement, assise seule. Elle s'en fout. Dans ses écouteurs la musique la coupe du monde. Elle n'entend plus les incessant klaxonnes, le couple qui se dispute à côté ou l'enfant qui hurle de fatigue. Il n'y a plus qu'elle, elle et la musique.

<< You know I'm the one tell me that you love me >>

Elle balance les pieds dans le vide en rythme avec les paroles. Un frisson remonte le long de sa colonne vertébral. Elle aurait du prendre un sweat, écouter sa mère, ne pas sortir. Un soupir traverse ses lèvres, elle voudrait s'échapper, respirer, vivre loin d'ici, loin de sa vie. Sa mère lui répète que c'est normal à son âge, que ça lui passera. Ses poings se resserrent, elle ne veut pas y penser.

Un flocon de neige vient se poser sur son nez. Sa bouche s'étire légèrement en un doux sourire. Elle descend du parapet sur lequel elle s'était installée et se met à courir. Elle veut s'éloigner de la foule, être seule. Une sensation bien trop familière l'envahie. Elle lutte pour ne pas s'arrêter au milieu de la route et hurler. Hurler sa douleur, s'arracher les cheveux et la peau, frapper contre un mur, se défigurer. Elle lutte, retient sa souffrance et accélère.

Elle arrive enfin dans un petit jardin qu'elle connaît bien. C'est celui de sa tante, mais elle n'est pas là durant l'hiver. Rose escalade le portail et se laisse tomber de l'autre côté. Des haies la camouflent aux regards des passants.

Enfin, se dit-elle, enfin...

Elle arrache son t-shirt, l'envoie plus loin et s'allonge dans la fine couche de neige. Un cri lui échappe au contact du froid sur sa peau, des larmes dévalent ses joues, ses ongles griffent sa peau, son corps se courbe sous les spams l'envahissant. Elle suffoque, de la neige couvre ses lèvres. Un peu de sang goute de son bras, teintant de rouge le délicat manteau blanc recouvrant le sol.

Poitrine nue, bras déchirés, sourire psychotique, yeux noyés de larmes. Un gloussement échappe à Rose. Elle est folle, elle le sais, elle en est consciente, mais elle n'y peut rien, c'est comme ça.

Peu à peu ses sanglots s'apaisent, le calme envahi son esprit, et elle se laisse aller dans les bras de Morphée. Ce soir non plus elle ne rentrera pas.


My Favorite Color Is BlooOù les histoires vivent. Découvrez maintenant