10 - Un réveil difficile

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LUI

- Moreau, bouge ton cul !

Mes paupières frémissent en entendant mon nom et je me prends un flash lumineux en pleine gueule. Je grogne et il me faut plusieurs minutes pour arriver à y voir plus clair, mes yeux s'étant trop habitués à l'obscurité du trou. Ma situation craint un max. Deux semaines en taule, et me voilà déjà en cellule d'isolement, pour avoir déclenché une bagarre. Bagarre qui a envoyé mon adversaire à l'infirmerie, avec deux côtes fêlées et une brusque envie de fermer à jamais sa grande gueule. Voilà ce qu'il en coûte de provoquer un soldat aguerri en prison. Forcément, je ne pouvais pas le laisser cracher sur la gueule de tout mon régiment, et ce, malgré les conséquences derrières. Pas faute de me l'avoir répété un nombre de fois incalculable. Hell m'avait pourtant prévenu, les mecs en prison allaient nous faire chier en apprenant la raison de notre incarcération. Mais il n'était pas là quand j'ai pété un câble quelques jours plus tôt. Et il n'y a bien que lui qui est en capacité de m'arrêter quand je craque un fusible.

- Moreau, debout. Quelqu'un t'attend.

Ma grande carcasse se relève lentement du petit matelas inconfortable et je grimace en avisant la sale tronche du chargé de mitard. Si je pouvais me le faire, lui aussi...

- Je ne vais pas me répéter. T'as suffisamment foutu le souk en haut, alors m'oblige pas à rajouter des malus à ton dossier.

Non, ça serait mieux que mon dossier reste comme il est. Déjà que je n'ai rien à foutre dans un endroit pareil, ça serait stupide d'assombrir mon casier judiciaire. J'attrape donc un tee-shirt, en m'avançant vers la sortie, les jambes raides et les muscles noués. Le garde reprend sa marche en sifflotant, m'ordonnant silencieusement de remonter l'allée derrière lui dans sa démarche lente à en pleurer, témoin de son embonpoint de cinquantenaire. Dégouté par son double menton qui semble lui dévorer la moitié du visage, je détourne le regard et observe les truands, enfermés dans la même boîte que je viens de quitter. Je ne me sens pas une seconde lié à eux. Nous n'avons rien en commun car je ne vais pas pourrir en prison pour des crimes que je juge justifiés. Je n'ai rien à faire ici.

Avec lassitude, je revois le visage crispé de mon mentor, mes pieds à peine posés sur le territoire français. Sa mine peinée lorsqu'il m'a informé de notre départ imminent pour un centre de détention m'est resté en travers de la gorge. Et il nous a vraiment mit le coup de grâce en nous révélant la durée de notre petit séjour : un mois, avant de passer à la barre et de défendre notre peau. Encore une fois.

- Qui vient me voir ?

A tous les coups, c'est ce bon vieux général qui vient me témoigner son soutien. Le gardien me lance un regard amusé par-dessus son épaule, en levant les yeux pour réussir à croiser les miens. En terrain neutre, il n'aurait pas fait le poids face à moi.

- Qu'est-ce j'en sais ? Tu ne crois quand même pas que j'ai eu le temps de l'apercevoir, ta nénette ?

Ma quoi ? Je ne montre aucune surprise, étant habitué à fermer au monde entier toutes mes émotions, mais ça ne m'empêche pas de me poser des questions. A moins que mon mentor m'ait caché des choses, je ne vois pas quelle personne de sexe féminin serait enclin à venir me rendre visite. A moins que... L'espoir revient. Serait-ce Elodie ? J'accélère brusquement le rythme de notre marche et oblige même l'autre abruti à bouger son gros cul. Il marque bien son agacement par un concert de mugissement mais je n'y prête pas attention, impatient d'atteindre mon but pour être fixé. Le vieux me lâche juste devant la porte, me l'ouvre en lorgnant l'intérieur et sourit comme le vieux pervers qu'il est. Ouais, connard, ma femme est belle mais pas pour toi. Mon ex-femme.

Section Aguara, TOME 1 : Pour quelques douleurs de plus [sous contrat]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant