Chapitre 7 : Quetzalcoatl

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J'atterris lourdement sur un sol de marbre. Ma tête tourne comme si elle essayait de battre le record du monde de vitesse. Ma vision est aussi nette qu'un curé aviné dans une école maternelle. Bon, au moins je suis vivant, car je refuse de croire qu'on peut avoir autant mal à l'entrejambe dans la mort. Oui, j'ai réussi à me coincer un testicule en tombant.

Je remarque que je me trouve sur une dalle dont les contours se perdent dans la pénombre. Un brasero brule à côté de moi. Sa flamme bleutée dégage une odeur d'encens. J'espère sincèrement sortir rapidement de ce trip de hippies à la con. En cherchant un peu, je retrouve mon sac. Tout n'est pas perdu.

Au même moment, un énorme cobra surgit devant moi. Ses formes spectrales chatoient dans la faible clarté.

— Ah ! T'es moche, putain.

C'est plus fort que moi ; mon sale caractère ressort lorsque j'ai peur. Le serpent géant me dévisage en prédateur. Je pourrais plonger mes deux mains dans ses pupilles tellement ses yeux sont grands. Je me demande s'il le prendrait mal.

— Oui, me répond l'animal.

— Tu...tu parles ?

Sur une échelle de un à dix, cette question taperait facile dans le zéro. Cet énorme fils de pute lit dans mes pensées. Ah, merde.

— Excusez-moi, ô grand être, je ne suis qu'un humble pêcheur.

— Je m'appelle Quetzalcoatl et je suis ici pour juger ton âme.

Juger ta mère, ouais... Mon Dieu !

— Pardonnez-moi, mes pensées dépassent mes pensées.

Il me scrute sévèrement. Il est vrai que j'ai du mal avec les reptiles. Je ne sais pas trop, ils ont des tronches de traîtres. Je me mords la langue.

— Je ne suis pas ici pour faire la liste de tes vices, Explographe, déclare-t-il. Fort heureusement pour moi, d'ailleurs.

— Eh oh, vos préjugés, ça va deux minutes !

Quetzalcoatl approche sa gueule. Je la ferme donc en retenant ma vessie.

— Silence, maudit avorton ! Choisis plutôt.

Comme sortit de nulle part, une mangue tombe sur le sol.

— Sans déconner ? Vous me refaites le coup de la pomme, Adam et Ève ? En plus, je n'aime pas les mangues.

— Tu refuses mon offrande, Explographe ?

Ah oui, vu comme ça...

— Disons que je la mangerai plus tard, d'accord ?

— Non. Tu dois choisir maintenant.

Il casse les couilles. Il a vraiment de la chance d'être aussi grand. Je n'arrive pas à me décider. Il me stress avec son regard de pervers.

— Choisis ! m'ordonne-t-il, visiblement à bout de patience.

Horrifié par la vision de ses yeux enflammés, je trébuche en arrière. Mon sac tombe avec moi et s'ouvre sous le choc. L'Empire électrique de Victor Fleury glisse sur le marbre.

Aussi vif qu'un serpent, Quetzalcoatl s'en approche (oui, il y a un jeu de mots). Quelque chose sur la couverture surchargée de l'ouvrage le frappe. Personnellement, je la trouve pas mal. Il n'est pas du même avis et siffle de rage. Je ferme les yeux. Voilà ma fin. Un éclair me déchire et j'implose.

Lorsque j'émerge, je me trouve dans la jungle. Les oiseaux chantent et Michel discute avec toi, naufragé, d'un sujet aussi inintéressant que lui.

— Mais bordel, qu'est-ce que... ?

— Il est réveillé ! s'exclame Michel.

Certaines choses ne changeront jamais. Je soupire.

— Je vais bien, merci. Je constate que nous avons passé la pyramide de cuivre. Cette journée n'est pas si mauvaise tout compte fait.

— Oui, j'étais sûr que nos âmes se montreraient dignes du grand Quetzalcoatl !

Je le tuerai plus tard. En attendant, je reporte mon attention sur le livre que je tiens dans la main. L'Empire électrique de Victor Fleury. Qu'est-ce qu'il a bien pu avoir de spécial ?

L'expédition Roselune - Les aventures de l'ExplographeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant