Chapitre X : cé ki ké le plu for

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Le problème lorsqu'on est non violent c'est qu'on ne porte pas d'arme. Par chance, je ne suis pas non-violent. Je vois l'ours-pieuvre approcher et je dégaine d'un geste fluide mon couteau de chasse (en réalité, une machette que j'avais ramassée sur le cadavre d'un nazi, d'où la petite croix sur le manche).

La créature écume de rage. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi ces sales bêtes sont toujours de mauvais poil. Sûrement des frustrations venues de l'enfance, un problème d'Œdipe dû à une consanguinité extrême de la famille. Au fond, elles font le mal parce qu'on leur a fait du mal. Elles sont les victimes d'un monde cruel et froid où les petits oursons-pieuvres doivent se montrer impitoyables ou mourir.

Je bâille. Ces réflexions empathiques m'ennuient au plus haut point. Un tentacule me passe à quelques centimètres du visage et m'éclabousse de morve goût tellines. Là, ça commence à me casser les couilles. Les fruits de mer, c'est un truc que je ne supporte pas. Qui aime ça, sérieusement ? C'est comme les escargots...

Pas le temps, l'ours-pieuvre jette sa gueule sur mon petit corps huilé senteur musc. Bon, d'accord, la vérité c'est que je sens la pisse et la transpiration, mais ça n'a rien à voir avec la peur, OK ! J'esquive sa tête affreuse au ralenti. Nos regards se croisent ; ses yeux injectés de sang trahissent un fort désir sexuel. Je suis mal à l'aise. Je lui plante alors mon couteau dans la tempe et il s'effondre comme une masse au fond de la falaise.

Suivant ! Quoi, tu t'attendais à un combat long et épique, naufragé (e) ? Nous sommes sur l'île d'Aencre ; rien ne dure bien longtemps, ici.

Dans le feu de l'action, j'ai lassé ma machette dans le crâne de la bête. Ça me rend triste, c'était un objet à forte valeur sentimentale... Je soupire, au moins suis-je en vie. La kétamine me manque... L'adrénaline du combat m'a mis dans tous mes états et je sens venir la redescente. Je me sens seul...

— Je suis là, dit doucement Michel qui apparait en face de moi.

— Merci, Michel.

Il me fait un câlin, mais passe à travers mon corps. Peu importe, c'est le geste qui compte. Pour une fois, je n'ai pas envie de le tuer. Serait-ce de l'affection ? Ridicule, voyons ! Je ris de ma bêtise et secoue la tête. Ah, ce que je peux être con parfois.

Je regarde la paroi et aperçois une petite corniche non loin de moi. Une pause me fera le plus grand bien. Lorsque je m'assois enfin, je laisse mes yeux goûter cette vue comme nulle part ailleurs. Les féroces jungles m'apparaissent telle de la menue verdure et j'aperçois même la mer au loin, un long saphir sur son écrin de jade. La brume joue au-dessus des arbres que de longs fleuves séparent. Le monde est à mes pieds.

Il me faut quelque chose d'épique à lire dans un pareil moment. J'ouvre ma besace, y farfouille un instant et en ressors Lazare en guerre livre trois : le Revenant de Jamie Sawyer. Oui, celui-ci fera parfaitement l'affaire.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 13, 2019 ⏰

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