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 J'ai compris la raison de mon réveil en sentant une main me secouer avec douceur l'épaule. J'ai l'espoir de le voir lui, mais c'est le sourire triste de Maria qui s'impose à moi. Je suis encore allongée sur le sol de la cuisine. Il semblerait que j'y ai passé la nuit. Je me relève, me frotte le bras qui est devenu douloureux et me met debout avec difficulté. Je m'assois lourdement sur un tabouret et Maria me tend une tasse brûlante qu'elle m'a préparé. Je la remercie doucement.

-Monsieur vous a fais du mal.

Ce n'était pas une question je le savais. Je relève mes yeux vers elle et une larme coule sur ma joue.

-Je m'en suis fais toute seule en acceptant de faire ça.

Maria me regarde tristement.

-Il n'a pas voulu sortir de sa chambre ce matin.

Je pose mon menton sur ma paume de main et remue pensivement mon thé.

-Je ne vais pas tenir jusqu'au repas de jeudi Maria.

-Justement...

La voyant hésitante et visiblement gênée je relève les yeux et fronce les sourcils.

-Monsieur m'a dit de vous dire qu'il l'a annulé.

J'ai l'impression que mon coeur se déchire. Je dois partir. Je dois partir, il l'a décidé ainsi. Qui sur terre a inventé l'amour sérieusement ? Mais je me leurre pas. Le voir au restaurant chaque jour m'avait déjà profondément marqué. Son caractère, son sourire, et mon incapacité à rester neutre avait fait le reste. Et me voilà maintenant. Seule au monde.

Dans un geste brusque je me lève et part en courant dans ma chambre. Maria ne me retient pas et je l'entendis renifler. Je me précipite avec rage et saisis violemment une valise. Les pleurs brouillent ma vue mais peu m'importe. Je n'ai plus rien à faire ici. Il ne m'aime pas. Je fourre mes habits sans me préoccuper de leur état et sors aussi vite que je suis arrivée de cette chambre. Le boucan que j'ai fais a du l'attirer car je le vois sortir dans le couloir. Je me précipite en bas, tenant à bout de bras ce sac afin de partir au plus vite. Je cours presque jusqu'à la porte mais une force vient tirer sur mon sac. Sous le choc, je le lâche et me retourne. Robin le lâche à son tour mais je suis incapable de le regarder.

-Maria t'as dis que tu devais partir je suppose.

Mes yeux se fixent avec ahurissement dans les siens. Je ne le reconnais pas. Ou du moins l'ai-je jamais connu. C'est le même homme que celui qui m'a renversé ces foutus cafés sur le bras. Celui sans émotions, dur, froid et incapable d'être gentil avec moi. Son regard transperce mon corps entier de douleur.

-Ce contrat est fini. Je n'ai plus besoin de vous.

Avec un déchirement, j'ai remarqué qu'il est retourné à l'emploi du vouvoiement. Comme s'il supprimait tout les liens que nous ayons pu avoir. Et c'était la pire des douleurs. Comme si j'étais en train de mourir, que mes boyaux étaient en feu, mon coeur plongé dans l'acide et mes entrailles en train de se déchirer. Puis les larmes. Salées, ravageant tout sur leur passage, roulant sans pitié comme pour me prouver que j'ai été stupide. Son regard n'a pas changé. Rien ne semble l'émouvoir. Et avec un soupir d'ennui il me demande :

-Tu es obligée de réagir comme ça ? Pourquoi sérieusement ?

On dirait qu'il parle à une enfant qui pleure après avoir cassé son jouet. Comme si ça n'était pas justifié.

-Parce que je t'aime ! Et que je suis complètement stupide d'avoir craqué ! Stupide de t'avoir cru, de m'être laissé avoir, d'avoir accepté ce fichu contrat, d'avoir cru à ta putain de comédie. Et je m'en veux mais tellement rien que pour ressentir ça ! Et je t'en veux à toi ! À toi pour me l'avoir fait ressentir !

Mes poings frappent contre son torse au fur et à mesure puis je me recule. Je craque complètement. Ma gorge me brûle et ma voix s'éraille. Finalement je ne peux plus rien dire. Mon visage se tord et les larmes coulent de plus belle. Il a simplement détourner le regard. Je saisis ma valise et sors de cette maison. En entendant le bruit de la porte qui claque j'eus l'impression que ça sonnait comme un adieu. Comme la fin définitive de ce chapitre de ma vie. Comme la fin du livre tout court.


Je suis sur le canapé, un plaid autour des épaules, un pot glacé de sorbet à la fraise en main face à la télé que je ne regarde même pas. Audrey est partie pendant deux semaines chez sa famille. Et moi je suis seule. Définitivement seule avec cette foutue glace. La nuit tombe. J'ai passé la journée devant cette télé. Sans rien regarder. L'écran éclaire d'une lumière blanchâtre mon visage alors que mes yeux fixent le vide. Ma cuillère est suspendue en l'air. Je n'ai pas bougé depuis ce matin. Mes yeux sont bouffis, ma tête encore incapable de réaliser ce qui est arrivé, et mon coeur en miettes. Vous allez me dire que ma réaction est complètement ridicule et exagérée. C'est vrai, elle l'est. Mais bon sang ce que ça peut faire mal.

Le temps passe. Lentement. Je ne suis pas partie travailler. Il n'y a que pour Lucky que je bouge. Mais mon coeur se fend encore plus en sachant grâce à qui je l'ai eu. Mais je l'aime quand même.
Sinon je ne fais rien. Mes pieds traînent, j'ai l'impression de voir floue et d'être plus capable de faire quoi que ce soit. Ça doit faire une semaine. Mais la douleur est encore tellement intense. Mais c'est le manque le pire. Car oui, cet homme me manque affreusement. Comme une plaie qui ne cesse de s'agrandir et de vous faire mal dès que vous y touchez.

Aujourd'hui j'ai voulu aller le voir. Une idée complètement stupide car je sais pertinemment qu'il ne veut pas de moi. Mais...je n'ai aucune raison valable pour expliquer cette raison. J'ai besoin de le voir c'est tout. Mais c'était une mauvaise idée. Je suis arrivée devant chez lui, me suis garée mais je n'ai même pas eu le temps de sortir. Il était là, resplendissant et magnifiquement beau. Tout comme la fille suspendue à son bras. Elle secouait ses longs cheveux noirs dans les airs et le regarder avec admiration. Et à ce moment-là, alors que je croyais que ça ne pouvait pas être pire, ils s'embrassèrent. Fougueusement, longtemps.

Et j'ai arrêté d'exister.  

Coffee [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant