Partie 2

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— Petr ! Dépêche-toi, nous allons être en retard ! cria le gros magicien en s'agitant dans tous les sens.
Suant, transpirant, il courait d'un bout à l'autre de son atelier, prenant un parchemin par ici, bousculant les potions d'une étagère par là, tout en essayant d'enfiler une robe à la propreté douteuse.
Au seuil de la pièce, appuyé nonchalamment contre l'encadrement de la porte, un mince jeune homme souriait.
— Je suis prêt, Maître Melvin, comme je vous l'ai déjà dit il y a cinq minutes.
— Oui, bien, alors dans ce cas... dépêche-toi !
Enfin habillé, le sorcier farfouilla au milieu de cornues bouillantes et d'éprouvettes contenant des liquides aux couleurs étranges et bien peu naturelles. Il fourra dans les poches de sa robe plusieurs rouleaux de parchemin, quelques petites figurines de pierre exotique, puis se coiffa d'un chapeau pointu qui avait vu de meilleurs jours.
— As-tu sellé nos chevaux ? Tu sais bien que le roi n'aime pas attendre ! S'il nous a demandé d'aller enquêter en urgence, c'est que l'heure est grave ! poursuivit l'homme en sortant de la pièce, bousculant le garçon au passage, et dévalant l'escalier qui menait à la porte de la tour.
— Tout est prêt, Maître, répondit son apprenti en levant les yeux au ciel.
Puis il ferma à clef l'atelier, rejoignit son mentor qui peinait à grimper sur son cheval, l'aida à se mettre en selle et sauta à son tour sur sa monture.

****

Petr et son professeur arrivèrent en vue de la ferme de Rolan quelques heures plus tard. Ils furent accueillis par un groupe de villageois inquiets, qui firent bruyamment part de leurs doléances à Melvin. Profitant du fait que personne ne lui prêtait attention, Petr s'esquiva et s'approcha du précipice qui jouxtait la maison.
Un sentiment étrange l'envahit. Il sut que la magie était ici à l'œuvre, tant elle saturait les lieux. Une force immense avait causé ce cataclysme, il en aurait juré. Une puissance telle qu'elle avait laissé des traces visibles pour qui pouvait les déceler. Il n'y avait qu'une possibilité, et elle emplissait Petr d'appréhension quant à ses implications.
Il fut interrompu dans ses réflexions par l'arrivée de son maître.
— Ouf, je me suis enfin débarrassé de ces culs terreux. Quelle plaie ! Toujours à se plaindre de quelque chose ! Quand ce n'est pas les caprices du temps, ce sont les insectes...
— Cette fois-ci, ils ont au moins une bonne raison, suggéra Petr.
— Oui, en effet, peut-être...
Le gros magicien se tourna vers la pente abrupte qui commençait quelques pas plus loin, tout près de la maison de Rolan.
— Alors, as-tu lancé un sort de divination pour savoir ce qui s'est passé ?
— Oh non, maître, je vous attendais.
— Ah, quel empoté ! Il faut tout te dire !
Avec un sourire narquois, Petr regarda son professeur se débattre avec les poches de sa robe et en extirper, tant bien que mal, les composants dont il avait besoin pour son sortilège. Cela dura plusieurs minutes pendant lesquelles le jeune homme se jura de ne jamais porter cet emblématique vêtement de leur profession, pourtant si peu pratique au quotidien. Une ceinture avec des poches et des étuis lui paraissait bien plus efficace, et il nota mentalement d'aller voir un cordonnier de sa connaissance pour lui en faire confectionner une sur mesure.
Enfin, Melvin demanda à son apprenti de l'imiter et commença son incantation. Le jeune homme fit semblant de l'imiter et de regarder attentivement les gestes de son maître. Il étouffa discrètement un bâillement et réfléchit pendant ce temps-là au problème des vaches. Au bout de plusieurs minutes passées à psalmodier des formules magiques, le mage se tut et s'assit dans l'herbe, fatigué par l'énergie magique dépensée. Petr, lui, resta debout, en pleine forme.
— Ça y est, je sais ce qui s'est passé ici, dit Melvin. Enfin, j'en suis presque sûr.
— Vous avez détecté des forces divines, vous aussi ? demanda Petr, soucieux d'avoir confirmation de ses impressions. Leur niveau est impressionnant !

Melvin le regarda d'un air étonné, puis détourna le regard pour masquer sa surprise.

— Je te le dirais au retour dans la capitale. Nous allons d'abord rendre compte au roi puis aller visiter des personnes que je préfère éviter en temps normal. 

Petr haussa les épaules. Sous couvert d'enseignement, son maître aimait par moments lui rappeler qu'il n'était qu'un simple apprenti et préférait ne pas lui communiquer tous ses secrets.
— Très bien, dit-il. En attendant, je vais m'occuper de ces pauvres vaches.
— Les vaches ? Quelles vaches ? dit Melvin en regardant autour de lui.
Il n'avait rien remarqué. Puis il avisa les animaux au loin, et se mit à grogner en tirant sur les rares poils de sa barbichette miteuse.
— Et comment vas-tu t'y prendre, mon garçon ?
— Oh, c'est très simple, dit Petr qui ne peut retenir un sourire, satisfait de la surprise de son maître.

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