||Clair de lune||

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1er septembre

J'abandonne. C'est fini. Je n'ai obtenu de ma mère qu'une mince satisfaction. À peine de quoi remplir le grand trou dans mon cœur. Ça fait trop longtemps que ça dure. Et maintenant, non seulement j'en ai marre, mais je n'ai plus envie de faire du mal aux gens. Fini les masques. Fini l'apparence. Fini les brimades. Fini la hiérarchie. Et surtout, fini d'emprisonner Eurielle. Finit de les priver, elle et Ode, du bonheur qu'elles désirent.

Je ne vais pas m'acharner à les démolir et à faire de leur vie un enfer. Je l'ai déjà assez fait. Elles ne le méritent pas. Elles.

Je ne vais pas non plus chercher l'approbation de ma mère. Le prix est trop élevé. Si elle m'aime vraiment, elle ne devrait pas attendre ce genre de chose de moi. Son amour ne devrait pas déprendre de notre ressemblance. Je crois qu'Ode a déjà dit un truc à ce sujet. Quelque chose comme «l'amour c'est d'accepter de ne pas comprendre l'autre, parfois». À peu près. À moins que ce soit «l'amour c'est d'accepter de ne pas toujours être compris»? Enfin. Ça revient au même.

J'ai terriblement peur. Je n'ai jamais été moi-même devant les autres. C'est tout nouveau pour moi. Il y a toujours cette petite voix en moi qui me dit que je fais erreur, mais elle est de moins en moins forte. Je ne l'entends presque plus.

Je suis convaincue que c'est la bonne chose à faire, mais j'angoisse.

Je me promène le soir pour me calmer. Et pour échapper à ma famille. Je ne la supporte plus. Des fois, je passe près de la plage. Je m'y arrête, cachée à l'abri des arbres. Comme une voleuse. Je repense à ce que j'y ai fais, et je pleure.

Ce soir, il y avait Eurielle. Mon cœur s'est serré, il n'arrivait presque plus à battre. Puis il y a eu Ode. J'ai arrêté de respirer. Elle n'est pas si laide au fond. Juste différente. Et c'est bien de ne pas être comme tout le monde. Comme ça, on est nécessairement la plus belle selon notre style. Mes larmes ont redoublé, en silence.

Elles se sont parlé un peu. Je n'ai pas écouté, je ne voulais plus m'immiscer dans la vie d'autrui. Mais j'ai quand même entendu Eurielle dire «et je t'aime toi».

Je le savais depuis longtemps. C'était ça, son grand secret. Eurielle était amoureuse d'Ode. Depuis presque toujours. Et l'horrible peureuse que je suis les a empêché de s'unir. Mais plus maintenant. Alors quand elles se sont embrasées, j'ai souri.

Je suis toujours seule, avec un grand vide à combler, mais, au moins, Ode et Eurielle sont ensemble. Elles vont être heureuses.

-Constance

ConstanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant