Chapitre 36 - Touché, coulé (3)

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Vingt-deux heures. Je suis de retour dans la voiture de ma belle-mère, sans elle. La police a renvoyé la majorité chez eux, nous promettant de nous tenir au courant dès qu'il y aura du nouveau. Pff ! Ma belle-mère a pu rester parce que c'est non seulement un mari mais également un fils qu'elle peut avoir perdu et qu'elle est en droit de rester sur le quai. J'aurais largement préféré rester auprès d'elle mais elle a insisté pour que je rentre.

Sauf que je n'ai absolument aucune envie de rentrer ! Que vais-je faire à l'appart ? C'est censé être chez moi, okay, mais c'est d'abord et avant tout ''chez Joshua'', avant de devenir un ''chez nous'' que j'apprécie. Sauf que ça n'a aucun sens d'être chez nous alors qu'il manque la moitié du nous !

Le chauffeur se gare sur le côté et je le remercie avant de sortir. La portière claquée, je soupire. Je me dirige lentement vers l'immeuble, y entre et prends le premier ascenseur. Jamais je n'ai été aussi apitoyé à l'idée de rentrer. Tout sera rempli de Joshua, absolument tout. Les couleurs, le mobilier, l'odeur, les affaires...

Je soupire lorsque les portes de l'ascenseur s'ouvrent. Plus que trois pas et je serai dans notre chez nous complètement vide. J'ouvre la porte et à peine à l'intérieur que je regrette déjà d'y être entré. Mes yeux repèrent directement ses chaussures, ses vestes, ses sacs... Même si mes affaires prennent plus de place, ce ne sont pas les miennes que je vois. J'enlève ma veste, retire mes chaussures et souris tristement. Et maintenant, que faire ? Rejoindre mon lit en sachant très bien que je ne vais pas dormir ? Allumer la télé alors même que je ne vais rien suivre ? Manger ? Mais manger quoi ? J'étais censé manger avec mon mari ce soir. Je n'aurais jamais pensé qu'un geste aussi anodin pourrait soudainement me manquer.

_ Honey ?

Ça y est. Je me mets à complètement divaguer maintenant. Parce qu'évidemment, il ne manquait plus que sa voix...

_ Honey ?

Faut vraiment que je me reprenne. Je vais virer fou sinon, c'est pas possible. Comment ça se fait que je l'entends encore ?

_ Oh, you're here.

Je le vois apparaître dans le hall d'entrée, juste en face de moi. J'écarquille les yeux. Non, je ne deviens pas fou, il est devant moi, pas vrai ?

_ Joshua ?

_ I've been worried. You were not home so I thought you were out but you didn't tell me and your phone is in the kitchen. Where were you ?

Je me jette dans ses bras. Mon torse cogne le sien mais ce n'est vraiment qu'au moment où mes bras viennent l'entourer que je me rends compte qu'il est là. Qu'il est bel et bien là, à mes côtés, ici, chez nous, vivant. Et pas du tout en mer je ne sais où. Je sens mon regard se flouter alors je ferme les yeux et me contente de m'écraser encore un peu plus contre lui.

_ Eh, Honey... Are you okay ?

_ Je suis heureux de te voir.

Je me détache, lui lançant un magnifique sourire, soulagé et sincère. Mes yeux parcourent son visage et c'est peut-être la première fois que je le trouve aussi beau. Il a l'air perplexe mais se détend rapidement, me souriant à son tour.

_ J'étais inquiet mais j'ai l'impression que tu l'étais encore plus. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi tu rentres aussi tard ? Tu n'as même pas laissé de mots. J'ai appelé Jun mais il...

_ Tu n'étais pas sur le bateau ? je le coupe, parce que je veux quand même comprendre pourquoi il est ici.

_ Non, rougit-il. À peine à bord que j'ai eu le mal de mer... Alors ils sont partis sans moi et je suis allé en cours, comme d'habitude.

_ Et tu ne pouvais pas me prévenir ?

_ Je n'y ai pas pensé vu que je rentrais tôt. Mais j'aurais peut-être dû...

_ Oui, tu aurais dû ! Je me suis inquiété ! J'ai pensé que tu étais mort et ta mère est encore dans cet état d'esprit. Tu te rends compte ?

_ Pas bien, non. Explique-moi.

Je lui raconte toute l'histoire de cette après-midi infernale et cette soirée interminable et étouffante. L'appel de sa mère, le signal du bateau inexistant, la police qui déclare qu'ils sont perdus, l'attente au port, tout. Et je me mets à pleurer parce que toute l'émotion redescend d'un coup et je ne peux m'empêcher de le prendre à nouveau dans mes bras.

_ J'ai eu tellement peur. Et les heures passaient et toujours pas de nouvelles, pas de signal... J'ai vraiment cru que je n'allais plus te revoir. Ne participe plus jamais à des sorties aussi dangereuses !

_ Promis honey.

Ses caresses dans mon dos se font automatiquement mais je n'ai pas le temps d'être apaisé. Parce qu'il se détache de moi, l'air préoccupé.

_ Je dois appeler... Ma mère. Je dois savoir où est mon père et lui dire que je vais bien. Tu devrais... Aller te changer ou prendre un bain, je ne sais pas mais détends-toi, okay ?

Je hoche la tête. Je n'ai aucune envie de le quitter mais je comprends que sa priorité est de rassurer sa mère et de se tenir au courant pour son père. J'étais tellement obnubilé par Joshua que j'en avais oublié mon beau-père.

Je le laisse donc tranquille, rejoins mon dressing pour prendre une tenue confortable et file dans la salle de bain. Mais je n'ai aucune envie de prendre un bain ni de me doucher. Je veux juste le rejoindre et aller me coucher. Et peut-être prendre un truc à grignoter en passant.

Mon pyjama enfilé, je redescends. Je trouve mon téléphone oublié sur le plan de travail, vois que j'ai des appels manqués de Joshua et de Jun, qui s'inquiète. Je lui réponds, lui faisant un rapide topo sur cette longue journée. Je prends une barre de céréales aussi pour dire de ne pas aller me coucher le ventre vide et rejoins notre chambre.

De là, j'entends Joshua parler. Mais je doute que ce soit à sa mère lorsque je reconnais la langue : l'espagnol. Je me demande toujours à qui il parle dans cette langue puisque ce n'est a priori pas quelqu'un de sa famille.

Lorsqu'il revient dans la chambre, je suis déjà sous la couette, le ventre moins affamé, et je lui souris, l'invitant à venir se coucher.

_ Qui as-tu appelé ?

_ Hansol, répond-il. Je l'ai prévenu de tout ça. J'avais besoin de lui parler.

_ Je comprends.

Je suis un peu blessé qu'il ne me parle pas à moi mais comprends que son meilleur ami puisse passer avant moi dans ce genre de situation. Il vient s'allonger à côté de moi et je ne perds pas une question avant de venir me blottir contre lui.

_ J'espère qu'ils vont tous rentrés sains et saufs, dit-il.

_ Moi aussi. Ta mère avait vraiment l'air mal... Ça m'a fait de la peine de la voir comme ça.

Au lieu de me répondre par des mots, il me presse contre lui et je sens ses lèvres se poser sur le haut de mon crâne.

_ Je suis content que tu n'y sois pas allé.

_ Remercie surtout mon corps de lâche qui s'écroule dès qu'il voit une étendue d'eau.

Il déclare cela sur le ton de la plaisanterie et ça me fait rire. Parce que Joshua est drôle malgré tout. Pas tout le temps parce que des fois, je suis trop de mauvaise humeur ou en colère contre lui alors ses blagues ne font rire que lui mais il l'est. Il est aussi incroyablement cultivé et intelligent, et même très attirant et plein d'autres choses. Mais ce que je retiens surtout, c'est que je me sens bien avec lui. Vraiment bien.

Et là, sans prévenir, ça me saute au visage. Jamais je n'y aurais cru mais c'est pourtant là. C'est peut-être même là depuis longtemps. Ça me coupe le souffle un moment, fait battre mon cœur d'une façon beaucoup plus saccadée et rapide avant que je ne reprenne le contrôle et me laisse aller contre lui. C'est étrange et merveilleux à la fois mais ça me plaît. Parce qu'à cet instant, cette vérité inattendue me réjouit plus qu'elle ne m'effraye.

I'm in love with my husband.

My perfect husbandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant