26- Lisa

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J'ai accompagné Leah à sa répétition pour la fanfare. Elle m'a dit que je n'avais pas besoin, qu'elle se sentait bien, que le psy faisait son boulot et qu'elle remangeait normalement. Elle a peut-être ajouté « arrête de te comporter en maman oiseau » mais je m'en moque. Je voulais être certaine qu'elle arrive à destination. Parce que c'est ma soeur et que, où va ma soeur, je vais. Bref.

Voilà pourquoi j'arrive en retard à l'entrainement des cheerleaders aujourd'hui. Peu importe, après tout, je suis la capitaine, c'est à eux de m'attendre. Je ne me presse même pas pour me changer. À vrai dire, j'apprécie le calme des vestiaires. Après tout ce qu'il s'est passé ces derniers temps, un peu de solitude et de silence me font du bien. Enfin du silence... Ils ont mis la musique à fond dans le gymnase, elle résonne jusque là. Je ne sais pas ce qu'ils fabriquent mais ils ont l'air de bien s'amuser quand je ne suis pas là.

Une fois en tenue, alors que je suis encore derrière la porte, j'entend Damian hurler des instructions. Je m'approche, furtivement, alors qu'il n'y a aucune chance qu'ils m'entendent dans ce raffut, j'écoute.

— Aller les gars, on se motive. C'est vous qui avaient dit oui, on va leur faire un fuck à ses connards de Southhigh!

Je pousse la porte, curieuse.

Je vois les filles en train de s'échauffer, Damian tout seul au milieu du terrain de basket, les gars de l'équipe de foot en train de reluquer des fesses. Quelqu'un arrête la musique. Mon ami se retourne.

— Ah, Lisa. Tu étais où?

— Qu'est-ce que vous faites? je demande sans répondre à sa question.

— J'essaie de motiver l'équipe pour notre prochaine rencontre.

— Easton?

— Non, répond James en se levant du banc. Southhigh leur a mis une branler. On les rencontre Samedi.

Je me prend ça comme une claque en pleine figure. Easton était nommée favorite du championnat, j'avais l'espoir secret de ne pas avoir à me conforter à Cassidy avant l'année prochaine, c'est raté.

***

Le jour venu, j'ai un noeux à l'estomac en entrant sur le stade. L'équipe adverse n'est pas arrivée mais je sais qu'elle le fera et ça me rend malade d'avance. Leah, à côté de moi sur les gradins, nettoie sa clarinette dans son uniforme de la fanfare. En temps normal, je me moque d'elle en la voyant dans cette accoutrement qui détonne avec la tonne de maquillage noir qu'elle porte. Aujourd'hui, je n'y ai pas le coeur. Mes yeux restent rivés sur le parking où je sais que d'un instant à l'autre, deux bus jaunes vont se garer et faire sortir de leurs entrailles mon plus beau rêve et pire cauchemars à la fois.

— Cligne des yeux au moins, tu vas attraper une conjonctivite, s'amuse ma soeur.

— C'est la première fois que je vais la revoir. Je ne sais pas si j'en serais capable.

— Alors arrête de regarder par là bas. De toute façon, c'est pas comme si elle allait venir te parler.

Elle a raison, pourtant la peur est bien là, à s'insinuer dans mes entrailles, à prendre possession de tout mon système nerveux. Et puis ça se produit. Les bus s'arrêtent, les portes s'ouvrent et derrière Carmen apparait un ange aux cheveux dorés.

Elle sourit et illumine tout son entourage au passage. Son uniforme bleu ciel lui va à ravir, laissant entrevoir ses longues jambes fines. Mon estomac se contracte, je crois que je vais vomir. Comment peut elle être si belle? Mes mains tremblent mais je ne m'en aperçois que lorsque Leah en prend une. Elle m'oblige à la regarder.

— Tout va bien se passer. Le match ne dure que 90 minutes. Tu diriges ton équipe, comme d'hab, sans te préoccuper de ce qu'il se passe autour de toi et tout ira bien.

Je fais oui de la tête mais n'en crois rien. Cassidy est là, elle respire le même air que moi et s'en est douloureux. Elle va danser, à quelques mètres à peine. Je vais entendre sa voix, son rire. Je vais la voir en compagnie d'autres gens, agir comme si de rien était, faire comme si elle n'avait pas brisé la fille en rouge à qui elle ne daignera pas adresser un regard.

Une furieuse envie de pleurer me monte aux yeux. Je souffle un bon coup pour la vaincre. Après tout, c'est de ma faute. Elle s'est juste vengée, mais elle est douée pour ça...

Je me lève pour rejoindre mes filles en bas avant de rentrer au vestiaire pour le briefing. Mais alors que je descend la dernière marche pour atteindre la piste de course qui entour le stade, elle est là, face à moi, à seulement une dizaine de mètres. Elle me regarde et pire que tout, elle me sourie.

Quelque chose se casse en moi, dans ma poitrine. Un petit bout de mon coeur qui se sépare du reste. Ça fait un mal de chien. Si seulement ce sourire ne pouvait être rien qu'à moi.

De l'autre côté de l'écranOù les histoires vivent. Découvrez maintenant