Le soir, je ne me présentai pas au repas. Lorsque j'avais franchis la porte d'entrée, j'avais fait un crochet à la salle de bain pour tenter de masquer mes bleus, puis j'étais allé dans ma chambre.
Ma mère vint toquer à ma porte et entra après avoir attendu quelques minutes. Elle savait, malgré mon absence de réponse, que j'étais là. Je n'avais pas le droit de rentrer après dix-huit heures.
- J'ai sonné la cloche, le dîner est prêt.
- J'ai pas faim, je répliquai, dos tourné.
- On ne doit pas aller au lit le ventre vide.
- Et d'où tu le tiens, de celui qui soigne les Allemands ?
- J'en ai assez que tu remettes ça sur le tapis, tous les soirs ! Tu blesses beaucoup ton père. Et moi aussi par la même occasion. Tu gâches tout le repas.
Je ne répondis pas. Si je le gâchais par ma présence, autant que je ne me joigne pas à eux.
- Qu'est-ce que vous faites ? Intervint mon père en sortant de son bureau. Vous tenez un conciliabule ?
- Ton fils en a encore après les Allemands et la collaboration.
- Antoine, lèves-toi ordonna-t-il.
Je secouai la tête.
- Je t'ai dit de te lever nom de Dieu !
Il pouvait bien jurer autant qu'il le voulait, je n'étais pas un canasson qui avançait à l'intonation de la voix. Mon refus ne lui plut pas. Il m'attrapa violemment par le bras, je protestai qu'il me faisait mal, il me secoua de plus belle encore, je me plains de la douleur en gémissant. Avec une force que seule l'impatience lui conférait, il réussit à me mettre debout. Je vis sa main se lever,mais lorsqu'il aperçu mon visage tuméfié, le sien n'eut plus traces de colère, seulement d'ahurissement. Ma mère étouffa un cri. Je fixais mon père d'un regard fielleux.
- Tu t'es battu ? Demanda-t-il, effaré.
Je ricanai.
- Ça se voit non ?
- Pourquoi t'es-tu battu ?
Sur le moment, je ne voulus pas répondre. J'avais une sorte de haine en moi qui brûlait d'un feu ardent, et je sentais que si j'ouvrais la bouche, des flammes en sortiraient.
- Réponds-moi.
-Je me suis fait tabasser parce que je suis ton fils ! Vociférais-je. Voilà la vérité ! Tout le monde pense que tu es un collabo et moi avec !
Cette confession les laissa pantois.
- Collabo ... souffla mon père. Moi, un collabo ... frapper mon fils ...
Ma mère entoura ses épaules d'un bras pour le réconforter, mais il l'ignora et s'en détourna pour sortir de la chambre, toujours en marmonnant. Puis elle se tourna vers moi, le regard implorant et conciliant à la fois, se triturant les mains :
- Je suis vraiment désolée Antoine pour ce qu'il t'est arrivé. Mais s'il te plaît, n'en veux pas à ton père. Tu sais bien qu'il n'est pas plus collabo que le voisin n'est sobre dit-elle ironiquement. Maintenant, laisse-moi voir tes blessures.
- Non, toi laisse-moi, je voudrais dormir.
Subséquemment, je me recouchai en me couvrant jusqu'à la tête. Je m'attendais à ce qu'elle se fâche, or elle n'insista pas et sortit en fermant derrière elle la porte. Quelques minutes plus tard, je les entendis tous les deux discuter au salon, mais je n'avais pas envie de savoir ce qu'ils se racontaient. Je m'endormir pratiquement aussitôt.

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𝑃𝑎𝑝𝑎
Storie brevi╔ Durant la Seconde Guerre mondiale, Antoine avait une dizaine d'années. À mi-chemin entre adolescence et passage à l'âge adulte, à la croisé de rêves de revanches, d'héroïsme et de volonté d'affirmation, des choix s'imposent. Réfléchis ou impulsifs...