Chapitre 1 : Anna ✔

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Je tends mes bras pour m'étirer et passe discrètement un message chiffonné sur le bureau de derrière. J'ai juste le temps de marquer le résultat de mon calcul sur mon cahier, sous le regard avertit du professeur qui décide spontanément de poser ses yeux sévères sur moi, avant que ma réponse n'atterrisse dans ma capuche. J'attends que l'adulte se détourne pour me retourner, attraper le papier et le déplier soigneusement pour le lire : "Ça marche rendez-vous chez moi". Satisfaite à cette idée, je souris en commençant à rédiger un autre mot, plus pour m'occuper que pour délivrer un quelconque message, puis réfléchis à comment lui faire passer.

Je ne sais pas pourquoi nous nous sommes mises à nous parler par petits mots en classe avec mon amie, Cassie. Tout le monde parle librement sans s'encombrer de ces petites manières pourtant, mais il faut croire que ça nous amuse. Le but, c'est de trouver le moyen le plus recherché pour nous passer les messages. Et tout ça sans attirer l'attention des profs bien-sûr. Ce qui, il faut l'avouer, rajoute un petit quelque chose au challenge.

Il m'est d'ailleurs arrivé un accident la semaine dernière avec mon prof de physique, et heureusement que le message que j'ai catapulté avec ma règle ne parlait pas de lui. Mais quand il se l'est pris dans les cheveux et que toute la classe a rit alors que je rougissais, il n'a pas pu se retenir de me coller.

Mon père s'est bien moqué de moi, Cassie aussi. En y repensant, après être sortie de mon embarras, je me dis que ce n'est finalement pas trop grave de perdre une heure de mon temps ce soir pour les souvenirs que cette expérience me laisse. Et le motif de la punition peu évocateur gravé sur mon carnet, "s'amuse en classe", n'a rien à voir avec la tête rouge d'indignation de mon pauvre prof qui venait de se prendre une modeste boulette de papier sur la tête, de quoi encore rire pendant longtemps.

Mon voisin qui zippe la fermeture de sa trousse me sort de ma rêverie. Les autres commencent aussi à s'agiter, signalant la fin du cours, et je rangerais mes affaires comme eux de même si je n'étais pas condamnée à rester encore une heure entre ces murs. Quand la cloche sonne enfin, ils se dépêchent tous de partir tandis que je commence à rassembler mes affaires, sans me presser. Cassie s'arrête à ma table pour me faire la bise, me souhaiter bonne chance et m'ordonner de courir chez elle dès que je sors. J'hoche mollement la tête de bas en haut en la regardant quitter la salle de classe. Résignée, je rejoins ensuite l'étude pour mon heure de colle, traînant des pieds dans les couloirs agités de lycéens sans la moindre envie envie.

Il n'y a que deux personnes collées avec moi ce soir : Ashley (d'après ce que je connais d'elle, c'est sûrement pour s'être vernie les ongles en cours) et Driss, la terreur de ma classe. Ce gars passe sa vie en colle, à croire qu'il adore ça. Ce n'est pas pour ses mauvaises notes ou son manque de sérieux, il fait partie des meilleurs de la classe. Il a juste une abominable personnalité de brute insociable qui cherche les bagarres (et qui les gagne la plupart du temps).

Aujourd'hui, je crois qu'il est là pour avoir mis la tête d'un pauvre mec dans les toilettes. Un regard mal placé sans doute, personne n'a la trempe de tenir consciemment tête au colosse. De quoi redouter les plans de classes avec ce genre de tortionnaire.

Je soupire, l'heure promet d'être bien longue. La pionne nous fait rentrer et nous nous installons le plus loin possible les uns des autres, la grande salle d'étude est parfaite pour fuir les mauvais voisins.

Après plusieurs minutes à regarder le tableau noir, et sans trouver d'autre occupation, je me décide à faire mes devoirs. Cela s'avère une bonne idée vu tous les exercices que le prof nous a donnés à faire en maths pour demain. Eh oui, c'est ça la première S... Avec le temps, je commence à regretter d'avoir choisi cette filière. Que n'aurais-je pas donné pour quitter ces cours ennuyants au profit d'activités plus dignes de mon intérêt ? C'est plus fort que moi, je ne peux m'empêcher de penser que je rate ma vie à m'abrutir ici. Mais je n'ai pas le choix si je veux réussir, rien ne tombe du ciel. Je remonte donc mes lunettes sur mon nez et me lance dans les premières questions.

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