Chapitre 12 : Driss

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Je contemple le feu, rassuré par sa faible lumière. Je n'ai jamais aimé le noir, ça me rappelle trop la cave dans laquelle mon père adoptif m'enfermait, après m'avoir battu. Ah cette douce enfance, je n'en retiens décidément que de bons souvenirs...

Tracy regarde son petit foyer avec tendresse. Elle passe par moment sa main dessus comme pour le caresser. J'aimerais bien avoir moi aussi le pouvoir de créer du feu, ça me rassurerait dans des moments comme ça.

Le trajet s'allonge. On doit attendre au moins une heure avant de s'arrêter. Seuls assis en silence dans le noir, le chemin nous paraît durer deux fois plus longtemps. Aucun de nous trois ne trouve quelque chose à dire.

Le camion s'arrête enfin. On entend les portes claquer, quelques pas, et Tracy s'empresse d'éteindre ses mains. Notre chauffeur ouvre alors en grand les deux portes.

La lumière du jour agresse mes yeux, et je mets ma main en visière sur mon front. Tracy tourne vite la tête, éblouie elle aussi, et Wally plaque sa main sur ses yeux.

- Allez les jeunes, on est arrivés ! Lance le camionneur. Je m'avance en premier et descends de la remorque, sans un regard à la main que me tendait l'homme. Wally et Tracy me suivent et nous nous arrêtons devant Sten. Il nous dévisage un petit moment tel une poule qui examine ses petits pour s'assurer qu'ils vont bien. Ensuite, il perd son sérieux et sourit.

- Houda a eu la gentillesse de nous amener jusqu'à la grande ville de Toukoda. Nous expose-t-il, cherchant sûrement à justifier la longueur du trajet. Puis, il conclut avec avec entrain :

- On va bientôt retrouver Risse les jeunes. Nous comprenons rapidement à quoi il fait allusion et mon cœur commence à battre plus vite. Nous allons rencontrer ceux qui ont décidé de toute notre vie, il y a de quoi stresser...

- Merci pour le voyage. Fait notre sentinelle à l'adresse du chauffeur.

- C'est toujours un plaisir d'aider son prochain. Répond naïvement l'homme, ce qui m'arrache un sourire. Ces gens connaissent-ils vraiment la guerre et la violence pour affirmer aussi simplement des choses comme ça ?

J'ignore la remarque et me retourne pour contempler la ville. Je ne lui trouve pas trop de différences avec les notres. Enfin, les notres du style de Dubaï surtout...

Des grandes tours blanches et épurées couvertes de larges baies vitrée bleu s'élancent vers le ciel, et, même sur le parking où nous sommes, les bâtiments brillent de propreté.

De grands ponts futuristes relient les principales tours et des drones sillonnent le ciel. Il y a aussi de nombreuses personnes qui volent entre les gratte-ciels. Leurs longues ailes blanches battent à intervalle régulier et, si je ne savais pas que c'étaient des hommes, j'aurais très bien pu les prendre pour des oiseaux.

Wally ouvre grand la bouche d'émerveillement. Il semble aux anges. Tracy, elle, garde la tête baissé sur ses mains, pourtant éteintes. En regardant mieux, je me rends compte qu'elles sont rougies, mais je détourne vite les yeux quand elle lève la tête dans ma direction.

Sten part en direction de la ville. On démarre tout de suite dans ses pas. Il est notre guide, nous ne le quittons plus d'une semmelle maintenant. Une fois qu'il a mis une bonne distance entre nous et le chauffeur qui remontait dans son camion, il se retourne et dit :

- La ville est encerclée par une barricade. Nous ne devrions pas avoir de difficultés pour la passer. Surtout toi Wally. Le problème est que je n'ai pas de papiers pour Tracy. Il va donc falloir te faire discrète.

L'intéressée hoche gravement la tête. Son ami sourit et affirme :

- Ne vous en faites pas. C'est pas la première fois qu'elle fait les yeux doux à un prof quand elle n'a pas son devoir. Elle sait se débrouiller, elle passera tranquillement.

Les joues de Tracy virent au rouge et elle sourit légèrement.

- Et puis je suis votre nièce. J'ai oublié mes papiers sur la table à manger, mais vous avez les vôtre vous. Rajoute-t-elle innocemment en battant des cils.

Wally rigole franchement et elle arrive même à arracher un sourire à Sten qui commençait à stresser.

- Bon, je pense qu'on va s'en sortir, conclut-il.

L'ambiance s'est allégée en peu de temps. C'est peut être l'esprit aérien du pays qui fait cet effet. La bonne humeur de Wally a aussi vraiment un effet positif sur le groupe, et je sens presque mes inquiétudes me quitter.

- Donc une fois le barrage passé, nous traverserons Toukoda pour gagner l'aéroport. Un avion privé nous y attend ainsi que son pilote. Nous décolerons vite pour gagner notre quartier général. Compris ? Déclare Sten.

Nous hochons tous les trois la tête et il enchaîne :

- Vous avez toujours vos rôles en tête ?

- Oui tonton. Répond adorablement Tracy, décidément d'humeur joueuse.

- Bon alors on y va, réplique la sentinelle avec un léger sourire. Il repart et Wally va attraper le bras de son amie.

- Allez viens ma copine ! S'exclame-t-il joyeusement. Je sourit devant la ridiculité de leur démarche et je m'avance vers Sten.

Ce dernier nous conduit jusqu'aux barages où des gardes ailés portant de drôles de canons blancs et baraqués comme pas possible veillent sur la foule.

- Bon, maintenant vous vous appellez Dorial, Tenik et Nivah, fait Sten en désignant successivement Wally, moi et Tracy et il nous donne nos faux papiers.

Il me semblait bien qu'il avait oublié de nous parler de nos nouvelles identités. Il rajoute ensuite rapidement :

- Moi, je serais Honga, et mon ami Riss, le père de Tenik, habite à Suatha. C'est une ville située tout au Nord du territoire de l'air, soit au Nord de votre "Europe" il me semble.

- Au Nord... Plutôt Norvège ou Royaume-Uni ? Je lui demande pour mieux situer. Il sourit, un peu gêné, et répond :

- Au Nord, c'est tout.

Il ne connais donc pas nos pays.

- Vas pas l'embêter avec ça, même moi je sais pas où c'est la Norvège... Intervient Wally. Alors si en plus il n'est jamais venu dans notre monde, il y a peut de chance qu'il le sache... Je m'incline devant ses arguements et Tracy demande, curieuse :

- Vous êtes déjà allé sur Antro ?

- Une ou deux fois, mais je n'ai jamais quitté votre ville. Vous savez, peu de gens peuvent passer la frontière et ceux qui en ont le pouvoir ont une mission précise à effectuer. Je n'ai jamais eux le temps de faire du tourisme dans votre monde, il fallait que je surveille le portail.

- Et nous aussi nous sommes des sentinelles ? L'interroge encore Tracy, ayant fait le même lien que moi avec nos aptitudes.

- Pour tout vous dire, on ne sait pas ce que vous êtes. Vous n'êtes pas nés de sentinelles donc vous ne pouvez pas en être vous même, ce titre se transmet de façon héréditaire. Vous avez tout de même passé la frontière le mois de votre naissance, et vous pourrez, par conséquent, la traverser toute votre vie. Certains disent que vos particularités s'arrêtent là, mais une minorité, dont je fais partie, pensent que vous étant rencontrés alors que votre corps n'avait pas totalement intégré vos pouvoirs, il est possible que vous possédiez certaines capacités supplémentaires. Je crois en réalité que vous êtes ce qu'Antro et Pano n'ont pas porté depuis des siècles, et dont on a cruellement besoin aujourd'hui : des gardiens.

Les 4 GardiensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant