Chapitre 7 : Driss

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- Bonne chance, nous encourage Tevi.

Wally s'élance sans hésiter une seconde et notre informateur sursaute de surprise en constatant qu'il traverse bien la frontière. À regarder la surface trouble comme ça, les sourcils froncés, il donne l'impression d'être jaloux. L'accès à l'autre monde est limité, il doit être déçu de ne pas pouvoir passer. Mais moi, à sa place, je serais tout à fait ravi. Aller là-bas, pouvoir y aller c'est... déstabilisant.

Je regarde la surface ondulante en me mordant les lèvres. Wally a du courage, pas moi. Je ne veux pas m'avancer. Je ne veux pas passer la frontière et m'embarquer dans cette histoire de dingue.
Mais j'ai une dette envers Anna, et je ne peux pas l'oublier.

Je détaille le portail avec insistance. Ce qu'il y a devant moi, d'après Tevi, c'est mon monde. Et ceux qui y habitent ont besoin de moi.

Alors je me lance, je passe résolument le portail sans jeter un dernier regard derrière moi.
L'aventure commence.

J'atteris dans l'autre monde, un peu en avant du portail étendu entre deux arbres. Wally est devant moi, assis contre un rocher, et je peux voir à ses yeux gros comme des soucoupes rivés sur moi qu'il ne pensais pas que je le suivrais. Ça ne m'étonne pas, personne n'a jamais eu confiance en moi. Je suis trop renfermé, trop intéressé. Mais cette fois, je n'ai pas menti.

Je détourne le regard pour ne pas qu'il y voit mes craintes et j'observe les alentours. Nous sommes au beau milieu d'une forêt, sans aucune trace de civilisation.

L'éclaireur qui nous attend est assis sur une souche morte, de l'autre côté du portail. Il est vêtu d'une cape brune et hoche la tête dans ma direction quand il m'aperçoit.
Je frémis. Cet homme ressemble traits pour traits à celui que j'ai combattu hier soir. Il a le même visage un peu allongé, le même nez pointu et les mêmes lèvres étirées. Au détail près que ses yeux sont un peu plus orangés et ses cheveux totalement noirs sont légèrement plus longs. Mais malgré ça, j'ai vraiment l'impression de me trouver devant mon agresseur.

Sauf que quand sa bouche s'étire, c'est pour nous sourire avec bienveillance et non avec cette cruauté qui ornait les lèvres de son homologue. Son expression me rassure. Puis quand il nous parle, j'entends une voix tout à fait différente que de mes cauchemars.

- Bonjours Gardiens, fait-il chaleureusement. Je me présente, je m'appelle Stenille mais apellez-moi plutôt Sten. Je suis pyrokinésiste et sentinelle, déclare-t-il en enflammant sa paume, ce qui nous fait tous les deux sursauter. Comme a dû vous dire Tevi, je suis ralié à la cause des Antela. J'ai le rôle de vous conduire jusqu'au campement de Storenn. J'ai averti Nuage, il vous retrouvera là-bas.

Il prend une autre inspiration avant de continuer :

- Nous allons devoir traverser le territoire de l'air ainsi que plusieurs de ces villes, il va falloir être prudents. Nous avons de la chance, c'est la communauté la plus ouverte aux étrangers. Mais faites quand même attention à ne pas déclencher d'hostilité. Malgré l'armistice, nous sommes encore en temps de guerre.

Je regrette déjà ma décision. Anna m'a sauvé la vie, mais je dois vraiment la risquer à nouveau en retour ? Une guerre, je ne suis pas prêt à y faire face.

- Je m'adresse plus spécialement à toi Driss, continue l'homme en insistant sur son regard. Sois prudent et ne réponds pas aux provocations, les rafaleurs ne portent pas les hydrokinésistes dans leur cœur, tu te ferais vite remarquer. Nous devons être discrets, je compte sur vous.

Son expression se radoucit.

- Ne vous en faites pas, finit-il. Normalement, tout va bien se passer. Notre monde a évolué, le climat est moins oppresssant. Vous verrez, je suis sûr que vous allez vous plaire ici !

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