Chapitre 37 : Wally

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Il n'y a pas de grande différences entre Antro et Pano au final. Ou peut-être n'y a-t-il seulement pas de différence entre une forêt et une autre forêt, situées exactement au même endroit sur le globe. Enfin, si on peut imaginer que deux mondes différents puissent avoir un même globe, ou qu'ils soient liés par des portails exactement aux même endroits... ça devient compliqué.

Le seul changement remarquable est peut-être la lourdeur de l'air. Je ne m'en suis jamais rendu compte avant, mais qu'est-ce que l'air de la Terre est chargé ! Une vrai infection.

J'avance de quelques pas, tournant la tête dans toutes les directions avec méfiance. Mais à part quelques remous dans les fourrés, signalant la fuite d'animaux surpris, je ne distingue rien d'anormale. Je marche encore, tendant l'oreille pour distinguer tout bruit suspect. Ce sens m'est plus utile, je perçois ainsi le faible vrombissement de véhicules non loin de là.

Je me mets à courir dans leur direction, pour rejoindre rapidement une grosse route goudronnée. Rien d'autre aux alentours que la douce forêt boréale, subtile image de la folie des Hommes qui ne peuvent s'empêcher de coloniser des zones qui vivaient très bien sans eux.

Mon court séjour sur Pano m'a, semble-t-il, sensibilisé à respecter cet environnement aussi fragile que redoutable, et à le considérer plus vivant que je ne l'ai jamais fait. Cette route, transgressant la sérénité de la forêt, apporte à mes narines la mauvaise odeur de pétrole au fin fond d'une contrée qui n'a rien demandé, et s'attire immédiatement ma colère. Je comprends vite pourquoi les humains se prennent aujourd'hui tant de catastrophes dans la gueule. Il n'ont qu'à garder ce qui leur est donné plutôt que de toujours aller chercher trop loin.

La nature a un pouvoir. Et devant l'Homme, elle est toute puissante. Mais elle est malheureusement trop calme pour qu'il s'abaisse à l'écouter. 

Une voiture s'approche à toute vitesse, réveillant la douce forêt et déchirant mes oreilles, et je ne peux m'empêcher de balancer une grosse branche dans ses pneux à l'aide d'une bourrasque quand elle passe devant moi. Soufflée, elle s'emballe dans des tourbillons effrénés avant de rapidement terminer sa course entre deux arbres, soulevant un nuage inquiétant de fumée.

Stoïque, je lève la main pour commander aux vents de disperser le nuage gris, puis me détourne de l'épave sans même me demander dans quel état est son conducteur. Je sens comme quelque chose qui prend possession de mon corps et de mes pensées, et qui me convaint que cet être destructeur n'a eu que ce qu'il a provoqué.

Je poursuis donc ma marche, posant l'une après l'autre mes sandales en cuire brun contre l'asphalte, sans frissonner un instant de froid. Une buse vient bientôt planer au dessus de moi, et me trace de ses grosses ailes brunes un chemin d'ombre. C'est bientôt à mon tour de ranger les miennes à l'approche de la ville. Je réprimer un grognement de douleur quand les sens s'enfoncer sous ma peau, me sentant soudainement nu et faible. J'avais oublié la torture que c'est de devoir les cacher, ou peut-être n'en ai-je juste jamais eu conscience à la reflexion. Mais dans tous les cas, les rentrer alors qu'elles sont abîmées est une épreuve que je souhaite ne jamais avoir à réitérer.

Il ne m'est pas difficile de repérer les Oplan dans la bourgade Russe, leurs quatre grosses jeeps militaires attirent immanquablement l'œil. Mal garées, tout semble indiquer que leurs conducteurs n'ont que faire de la petite ville qui les accueille. Et les villageois n'ont pas non plus l'air d'accepter cette invasion vu la tension qui plane dans l'atmosphère froide.

Je m'avance discrètement vers les véhicules, inspectant leur contenance. Trois gardes en tout montent la garde. Je souris, songeant que le combat est presque égale, avant de me rappeler que j'ai peut-être des Panos devant les yeux. Mon sourire se transforme en rictus, et je préfère retenir mon souffle.

Les 4 GardiensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant