Chapitre 19 : Occulte

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Maison.

Ô Maison,
Que tu me manques lorsque je suis loin de toi.

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*

L'air était lourd autour de nous. La magie s'y faisait sa place, suffocante et puissante. Je la sentais se poser sur ma peau, s'insinuer entre mes cheveux, laissant sa marque un peu partout. Une magie que j'aurais pu qualifier de dévorante, qui demandait toujours plus et qui ne semblait pas encore avoir donnée. 

De la magie carmin, presque noire. Une magie palpable, mais qu'il fallait aussi sentir avec un sixième sens, celui de l'élémentaire. Plus profond. Plus puissant et trop lié à une perception intimiste des choses. Un sens que cette magie n'aurait, à mon sens, pas dû pouvoir toucher.

Une pression sur mon bras. Le regard angoissé d'Ada. 

Nous savions que nous n'aurions pas dû être ici. Que nous n'aurions pas dû voir cela.

Les pulsations de mon cœur étaient comme le bruit d'un instrument à percutions que j'étais seule à entendre. Le cri du malheureux était gravé dans ma chaire, comme le feu avait pu le faire pour la sienne. Moins douloureux pour moi, mais tout aussi saisissant. Je ne voulais plus l'entendre résonner jusque dans mes os, la bile finirait pas me revenir si j'y repensais. 

Mon calme apparent n'était qu'une façade face à la curiosité et à l'horreur que j'éprouvais de la situation.

Cette cérémonie, à quelles fins ? Jusqu'où étaient ils prêt à aller ?

Le satin déchiré de ma robe ne me préoccupait absolument plus, tout comme les quelques blessures ouvertes qui ponctuaient ma chaire, ou l'allure que je devais avoir.

Le vent fut convoqué, mais pas par ma personne. Un sorcier puissant.
Une mèche de mes cheveux suivit les brises, appelée par la magie du sorcier. Frisette innocente en cette atmosphère chaotique.

L'homme au visage brûlé s'était évanoui. Je préférais cela à l'hypothèse de la mort.
Le roi était un tueur sanguinaire, cela n'était plus à prouver. Seulement, je me trouvais là, à observer sans agir. Je me dégoûtais d'être aussi faible. D'être reine sans réellement l'être.

Les coutumes sont plus fortes que tout.

Exact. Et je devais gagner ma place parmi elles.

Le roi ne fit plus rien, semblant s'être posé dans un angle de la cérémonie, les bras croisées derrière le dos. Surveillant. Dominant.

Sa figure spectrale dégageait bien plus de volutes magiques que d'habitude. Sa peau luisait, ses cicatrices brillaient. Semblant vouloir tout recouvrir. Son visage était la guerre personnifié.

Sur la scène centrale, un halo grisonnant laissait parfois apparaître des lettres sorcières à la manière d'une ronde. Ces formes vaporeuses semblaient accompagner ce qui se déroulaient ici. En être un rouage important, d'une manière bien plus profonde qu'une simple présence.

En avisant deux silhouettes recouvrir le corps de tissus rouge avant de déposer sur celui-ci une plume teintée d'orange, des images de différentes morts me parvinrent en saccade.
Il y en avait des plus douloureuses et longues que d'autres. Certaines étaient instantanées, comme un coup de couteau précis sur la gorge. D'autres, comme la pendaison ou une blessure, étaient infernales. 
Même mourir en couche promettait moultes souffrances.
Quitte à choisir, j'aurais aimée tomber de pégase à des centaines de mètres du sol. On avait le temps d'être maître du monde avant de sombrer à jamais ( sans que je ne puisse convoquer mon élément, bien sûre).

Dour ha TanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant