S05 - EP 06 ● part VII

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ÉPISODE 126 - (partie 7/8)

— Par exemple, reprit Bianca, tu ne jugerais pas intéressant de savoir comment a été fabriqué ton cirage à chaussures ?

— Pas vraiment.

— Pourtant, tes souliers brillent grâce à lui. Je ne te parle pas de sa composition chimique, dont je suis certaine que tu connaisses chaque élément, renifla-t-elle. Imagine toute l'industrie derrière cette petite boite de cire, qui finit dans ton dressing à chaussures ; les enjeux économiques et les répercussions de sa fabrication sur l'environnement ! Prenons ton parfum. Qu'est-ce qui a justifié son business-plan, sachant que Kanon Cosmetics© n'était pas en manque de parfums Eau Jeune ?

— C'est générateur de profit. Ne cherche pas d'autres motivations.

— Certes. Mais ce n'est pas cet aspect qui m'intéresse, c'est son histoire. Est-ce qu'il y a une corrélation entre sa contribution à l'économie de la boîte et son quelconque impact sur la vie et le bien-être des employés ou du consommateur ?

— Cela t'avancerait à quoi ?

Bianca leva le nez d'un air guindé.

— Le plaisir de savoir est noble, mon cher. Autre exemple : par quelle étude de marché passe une société qui ambitionne d'en phagocyter une autre ? Au-delà de la loi du marché, je serais plus intéressée par les mécanismes derrière le changement du logo ou de la marque déposée des articles déjà commercialisés par la société rachetée.

Rey refusa de renchérir. Cet exemple particulier évoquait la situation de Coop-Company© avec White Enterprise©. Le citait-elle à dessein, il ne saurait dire. Dans ce genre de moments, alors qu'il croyait cerner sa personnalité, l'énigme de Bianca lui rappelait de ne pas baisser sa garde. Aussi la laissait-il pérorer. Moins il en révèlerait sur lui, mieux il se préserverait.

— Sur un plan plus basique, continua Bianca, qu'est-ce qui suscite l'envie de se procurer un produit dont on ne ressent pas le besoin vital ? De nombreuses sociétés se fichent éperdument de l'utilité d'une tablette numérique. Pourquoi d'autres sociétés en ressentent une espèce de faux besoin, malgré sa faible valeur ajoutée dans la qualité de vie ?

— Il s'agirait plus d'une commodité, voire d'un caprice, d'une fantaisie de la société moderne, que d'un besoin. Bientôt, tu vas mêler philosophie et marketing.

— Je pense qu'il faut être philosophe, ou du moins épicurien, pour faire du marketing.

Rey s'esclaffa.

— La qualité de vie des différentes populations est le socle même du marketing, pontifia-t-il.

— Je suis d'accord. Je l'ai appris grâce à mon projet amorcé il y a deux étés. D'ailleurs, je profite de mes « vacances » à Macao, pour investiguer dans une contrée assez reculée en Chine. Nous comptons y importer le programme.

— Celui qui concerne la formation des femmes à la mécanique ?

Elle en avait brossé les grandes lignes à Rey. Le projet, qui visait au départ l'amélioration du quotidien d'un village en Inde, avait été exporté au Bangladesh. Bianca devait à son succès les félicitations de l'Unicef et son titre d'ambassadrice de son État.

— Tu ne m'as jamais dit comment t'es venu l'idée.

— Lors d'un séjour en Inde, chez des amis de Grand-père, j'ai fait la connaissance de cette jeune fille : Naïna Vijay.

À sa façon de prononcer son nom avec déférence, cette Naïna lui avait laissé une sacrée impression, songea Rey.

— Elle avait dix-sept ans, à l'époque. Depuis l'âge de onze ans, elle s'amuse à réparer, en autodidacte, différents types de matériels avec un brin de jugeote. Mais à mon avis, plus qu'une bonne dose d'intuition, il y avait surtout quelques années passées à traîner dans le garage de son père. Faute de revenus, sa scolarité n'a jamais été assurée. La famille a privilégié l'instruction de ses frères.

HOT CHILI - saison 5Où les histoires vivent. Découvrez maintenant