S05 - EP 27 ● part I

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ÉPISODE 147 – (partie 1/4)

— Vous n'êtes pas sur la liste, vous n'avez rien à faire ici.

L'injonction était servie froide à tous les visiteurs de Rudy Leblanc. Amis, petit-ami, famille, tous logés à la même enseigne, témoigneraient de l'inflexibilité de la sécurité de Biel Healthcare. Les proches des patients internés subissaient un contrôle jugé outrancier, mais le bureau des plaintes ne recevait pas, ce soir. Pas quand l'établissement accueillait l'héritier de l'Empire Leblanc enfin retrouvé.

En contraste, le hall d'entrée se changeait en souk. Les urgences, un jour d'accident de train, avaient de quoi jalouser la cacophonie. Ça grouillait de monde, sans distinction d'état de santé. Malades, visiteurs, journalistes, badauds chanceux pouvaient franchir le premier tamis de la sécurité. L'accès à l'hôpital restait libre, jusqu'à preuve du contraire. Mais les unités de soin exigeaient patte blanche. Et « pas sur la liste, pas de visite » rendait l'une des ailes du centre médical aussi accessible que le coffre-fort d'une banque en Suisse.

À la réception du premier étage, un groupuscule trié sur le volet tentait de ne pas perdre espoir. Avec une bonne dose de patience, peut-être gagneraient-ils un passe-droit. Red et Rey étaient du lot. Avec Yakim et David, ils avaient profité du badge d'Ilona pour passer le second crible de sécurité.

Le téléphone de Red frisait le burn-out. Sacha, Jeff, Korgan, Rebecca, Jay, Rumiko, Peneloppe, Chloé, Will, ses collègues de Coop-Com Record©, les chroniqueurs de Rock'ONE-Radio, certains membres des équipes de tournage des pubs S.O.Y.S© liés d'amitié avec la Beat'ONE family... tous ceux qui le côtoyaient et avaient eu l'occasion de craquer pour Rudy sollicitaient son mobile.

Rey subissait le même sort. Connaissances et parfaits inconnus demandaient une audience téléphonique. Et pourtant, il avait changé de numéro et s'était gardé de le divulguer. Il avait menacé d'éteindre son portable, Red l'en avait dissuadé. Ils constituaient les ponts par lesquels ceux qui portaient Rudy dans leur cœur pouvaient accéder à la vérité.

La version des médias nécessitait des pincettes et de sérieuses notions de décryptage, tant la vérité se diluait dans la désinformation ou s'entravait de censure. Sujet Leblanc oblige. Dans ce lac d'informations se déversaient des barils de pollution : des vidéos de Red Kellin, dévasté, retenu par le cordon de sécurité, flashouillé par des paparazzis du dimanche.

Soudain, dans le flots de conversations sourds, une se détacha.

— Je n'ai jamais vu ça, même aux urgences, râlait un homme en blouse blanche. Certaines personnes n'ont rien à faire sur les lieux. On manque de personnel pour distinguer les curieux des malades. Je ne te parle même pas des journalistes !

— Ils sont tous malades, rétorqua son acolyte en tenue de bloc opératoire. Ils souffrent d'un syndrome mouton.

— Hilarant.

— La plupart sont là à cause des peoples. Y'a de la groupie jusque sur le parking. Ça se passe le mot sur les réseaux sociaux. En plus de Red Kellin, paraît qu'il y a Wrecking Ball Orlando.

— Sérieux ?

— Amanda, à la réception, m'a aussi parlé d'un mannequin apparemment connu. Ren... Rai ? Quelque chose comme ça.

— Ils sont là aussi pour Rudy Leblanc ? Tu l'as vu ?

— Je l'ai juste aperçu. Limite si j'ai pas dû montrer ma pièce d'identité pour accéder au couloir.

— Ils nous empêchent de faire notre travail !

— Fallait pas postuler à Biel Healthcare, dans ce cas. Un Leblanc de lignage direct a tous les droits, ici. Les flics sont sur les dents, mais y'a pas que la police. Je crois qu'il y a aussi une compagnie de sécurité privée.

— Ouais, les mecs en costards.

— J'ai entendu le père dire qu'on ne laisserait passer personne ce soir. Donc, tous ces gens attendent pour rien. On devrait leur dire de repasser plus tard. Ça nous ferait un peu d'air.

Alarmé, Red traqua les deux employés de l'hôpital au niveau des distributeurs de boissons, désireux d'en savoir plus. Il allait les questionner quand on l'interpella :

— Vous !

Il faillit rentrer la tête dans les épaules, tant la voix s'était montré « aimable », au point d'attirer l'attention alentour.

— Moi ?

— Oui, vous. Vous êtes bien Andy Rell ? demanda l'armoire à glace, toujours aussi avenant qu'une porte de geôle

Il opina du chef.

— Venez.

Red lança un regard perplexe du côté de son frère, puis suivit l'homme. Apparemment, il figurait désormais sur la fameuse liste ; liste sans doute instaurée par le père et tuteur légal de Rudy Leblanc. Avant qu'on lui interdise l'usage de son téléphone, Red envoya un texto à Rey.

« Je vais négocier la possibilité de te laisser passer. »

Comme déconnecté, Rey lut le message.

— Ça m'étonnerait que tu y arrives, marmonna-t-il pour lui-même.

Le cœur lourd, il se résignait à rentrer. En étant objectif, il ne verrait pas Rudy avant les prochaines quarante-huit heures. La confirmation se déroula sous ses yeux. Au moment d'accéder au couloir menant à la chambre de Rudy, Red passa devant les membres de la famille de ce dernier.

— Qu'est-ce que ça veut dire, on le laisse entrer ? s'indigna Jonathan.

— Rudy Leblanc ne veut voir personne, rétorqua l'agent de sûreté. Mr Rell a été demandé par son père.

Si Rudy ne désirait aucune visite, il fallait compter sur Dean pour faire respecter sa volonté. Autant dire qu'un Lee-Cooper n'aurait pas plus de chance qu'un Leblanc, songea Rey, au bord des larmes.

Red aurait saigné, si des regards pouvaient blesser. À défaut, il en frissonna. Ces yeux Leblanc faisaient froids dans le dos. Le Jonathan qui ne ratait pas une occasion d'essayer de glisser à nouveau dans son slip avait disparu. Sa parenté ne se montrait pas moins hostile. Dans quelle position cela le mettait-il ?

Il s'avéra qu'il était bel et bien le premier visiteur privilégié de Rudy. Cependant, le privilège se limita au couloir. Il n'accéda jamais à la chambre. À travers une façade de verre, Red observait le jeune homme qui lui en avait interdit l'accès et lui tournait le dos, dans son lit. Quand Dean lui prit la main, il réalisa son tremblement.

— Laisse-lui du temps, Andy.

— Je sais.

La boule dans sa gorge rendit sa réplique douloureuse. Elle se logea dans son ventre comme le verdict tombait : Rudy le détestait. Red l'avait redouté, en avait cauchemardé, puis avait refusé de s'y attarder, se réfugiant dans le déni. L'heure de l'acceptation sonnait. Son homme tenta de le consoler.

— À moi non plus, il n'a pas dit grand-chose.

— Tu as pu le toucher. Il m'a carrément dit qu'il ne voulait pas que je reste près de lui... Il ne veut plus de moi. Et son attitude est claire.

Sa voix chevrotante trahit des larmes, qu'il tenta de ravaler, en vain.


*o*o*

TBC ● EPISODE 27 – part 2

*MEDIA*
Intro vidéo : Smash Into Pieces - Higher. Parce que je voulais dédier ces lyrics à un Red qui déprime un peu. Parce que notre Red  tout feu, tout flamme commence à nous manquer.

Take it higher
Take it higher
Take it higher

You think your life is over now
It's nothing but a bad, bad dream
Afraid to lose it all somehow
And you don't know what it means

There's no telling how it all will end up now
But you can't quit now
When you gonna feel it don't hold it back inside

If you wanna take it higher
You will set your mind on fire
When the heart is burning and you feel like turning
Light up, light it up
And take it higher
Take it higher
Take it higher

HOT CHILI - saison 5Où les histoires vivent. Découvrez maintenant