Quatorze

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« - Il est 3h30 du putain de matin. », je crois entendre grommeler derrière la porte, « C'est qui le connard qui- »

Il est torse nu, il porte un short de sport, il a les cheveux en bataille et son petit regard perdu. Il est tellement beau. Il est tellement beau, mon ange.

« - Selen ? Tu fais quoi ici, à cette heure-ci ? »

Je me jette dans ses bras et il reste de marbre.

« - T'as bu ? »

« - Un peu. », je réponds ma tête enfouie dans son torse, « Je peux dormir ici, s'il te plaît ? »

Il est super tendu et il a l'air de longuement y réfléchir.

« - Allez, viens. », il souffle.

Il doit me soulever presque pour que j'arrive à marcher correctement jusqu'à sa chambre d'amis.

« - Je dors pas avec toi ? », je fais la moue en enroulant mes bras autour de son cou quand il essaie de partir de la pièce après m'avoir couché sur le lit.

« - Arrête, Selen. », il se défait de mes bras.

« - Mais pourquoi ? »

Il souffle agacé et regarde ailleurs. J'attrape son menton avec ma main et tourne son visage pour que je puisse le regarder dans les yeux.

« - Tu m'aimes plus ? »

« - Selen, est-ce que je t'ai même déjà aimé ? »

Même complètement bourrée, ces mots ont comme retournés mon cerveau. Je suis restée comme paralysée.

« - Allez dors, maintenant. », il se lève.

« - Je ne te crois pas. », je dis quand il est sur le pas de la porte.

« - Pardon ? »

« - Pourquoi est-ce que tu me dis ça ? »

« - Parce que c'est vrai. »

« - Non, ça ne l'est pas. Tu me l'as dit toi-même. Plusieurs fois. »

« - Je mentais. »

« - Je ne te crois pas. », je répète.

Il hausse ses épaules.

« - Crois ce que tu veux, je m'en fous. »

« - Pourquoi tu m'aurais mentis là-dessus ? Ça n'a pas de sens. », je fronce mes sourcils.

« - Parce que j'avais envie de continuer à coucher avec toi. T'es contente ? Tu me l'as entendu dire tout haut ! Je voulais juste continuer à te baiser. », il ouvre la porte et sans me regarder il dit, « C'est juste que maintenant que j'ai failli perdre Maude, je me rends compte que ça n'en valait même pas la peine. »

Et il s'en va.

Après, je ne sais pas si c'est l'alcool ou le trop de tout mais j'ai juste posé ma tête sur le coussin et je me suis endormie.

C'est le lendemain que j'ai tout senti passer. Déjà, je me suis réveillée avec une énorme gueule de bois et ce n'est même pas ça le pire. Le pire c'est que je me souviens de tout. La discussion avec Jules puis celle avec Nicolas.

J'aurais aimé avoir assez bu pour tout oublier. Non, j'aurais aimé avoir assez bu pour mourir.

Je reste couchée sur le lit puis instinctivement, ma main descend vers mon ventre. Bizarrement, j'ai carrément peur de le toucher alors que c'est qu'un ventre et qui plus est le mien.

Je tapote juste dessus avec mon doigt puis je le caresse avec ma main.

Je ne comprends pas pourquoi je fais ça et puis de toute manière, avec tout ce que j'ai ingurgité hier, il doit être mort ce bébé.

Quand j'arrive dans mon kot, il doit être dans les alentours de midi. J'ai pas traîné chez Nicolas et je suis partie avant qu'il ne se réveille.

Je me jette dans mon lit et en profite pour crier un grand coup dans mon coussin. J'en profite pour pleurer aussi.

Après m'être vidée de mes larmes de la journée, j'attrape mon ordinateur portable pour faire quelques recherches.

Je passe des heures et des heures à regarder des vidéos sur la maternité, à regarder des vidéos de massage de bébé ou même encore à écouter des comptines pour enfant.

Je ne sais même pas pourquoi je fais ça. Je ne compte vraiment pas le garder cet enfant.

Quand bien même j'aurais envie d'avoir des gosses, je suis trop jeune pour être une mère célibataire.

En parlant de mère, la mienne m'appelle.

« - Allô ! Qu'est-ce qu'il se passe ? »

« - Je n'ai pas le droit d'appeler mon propre enfant sans raison particulière ? »

« - Mmh. », je souffle.

« - Alors, ça va ? »

« - Oui et toi ? »

« - Ça va. », elle marque une pause, « Tu veux parler de quelque chose ? »

« - Pourquoi est-ce que je voudrais parler de quelque chose ? », je fronce mes sourcils, « C'est toi qui m'a appelé. »

« - Et bien, je ne sais pas, peut-être qu'il se passe quelque chose et que tu aurais envie de m'en parler. On a tous toujours quelque chose sur le cœur. »

« - Mais pourquoi tu me demandes ça si soudainement ? », je demande sur la défensive.

« - Parce que j'ai envie de savoir comment tu vas. Tu ne parles plus beaucoup à personne ces derniers temps. Tes sœurs m'ont dit que tu ne répondais plus à leurs appels. On s'inquiète tous ici pour toi surtout que tu vis seule la majorité de la semaine maintenant. On ne peut pas savoir ce qu'il t'arrive. »

Je n'ose même plus respirer. Je ne sais pas ce que je dois faire, déballer toute la vérité à ma mère maintenant ou continuer à me ronger de l'intérieur avec toutes ces histoires toute seule.

« - Tu veux en parler, alors, ma puce ? »

« - Maman, » je prends une grande inspiration, « Je vais avorter. »

MON ANGE (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant