Assis au chevet de ma mère, je me sentais seul. Perdu. Désorienté. Mon père, qui se trouvait en face de moi, avait tout aussi l'air anéanti. Nous tenions chacun une main, en priant pour que cela suffise et qu'elle se réveille. Mon monde s'écroulait petit à petit autour de moi, et j'ignorais ce qu'il fallait que je fasse pour améliorer cette situation désespérée.
Prenant mon courage à deux mains, je levai les yeux vers le visage de celle qui m'avait mis au monde. Son teint était pâle et d'un gris presque transparent. Ses paupières clauses étaient entourées de cernes marron, tandis que ses lèvres étaient violettes. Sa chevelure rousse, d'ordinaire flamboyante, était terne et lui collait aux tempes à cause d'une fine pellicule de sueur. D'aussi loin que je me rappelle, je n'avais que de rares souvenirs de ma mère en chemise de nuit, car elle prenait grand soin à choisir sa toilette quotidiennement. La voir ainsi me donnait l'impression que tout espoir était perdu et que jamais elle ne reviendrait.
— De quel mal peut-elle bien souffrir ? questionnai-je mon père, la voix rauque.
Il soupira, impuissant.
— Je l'ignore, Alex. Nous en saurons plus lorsqu'Elizabeth rentrera du marché aux herbes. Pour le moment, tout ce qu'on peut faire, lad, c'est veiller sur elle, déclara-t-il, d'un ton qui trahissait son inquiétude et sa faiblesse.
Nous attendîmes ainsi quelques minutes, qui me parurent au fond être des heures.
Qu'est-ce qui pouvait bien mettre ma mère dans cet état ? Était-ce une maladie ? Si c'en était une, je n'en voyais aucune qui pouvait la plonger dans un tel coma, d'un seul coup. Je n'étais peut-être pas docteur, mais elle nous avait fait découvrir tout un tas de disciplines, à mes sœurs et moi, afin de nous apporter un peu du vingt et unième siècle qu'elle avait connu. Cela était passé par une multitude de livres, de la littérature, de la philosophie, l'Histoire, des sciences économiques et politiques, mais aussi la biologie, la physique et des bases de médecine. Tous ces bouquins étaient bien cachés partout dans la maison, afin que personne d'autre que nous de tombe dessus. Je secouai négativement la tête. Impossible que ce soit une maladie. Je plongeai un peu plus dans mes réflexions, bien décidé d'aider ma mère. Peut-être était-ce une contrepartie pour avoir trop utilisé ses pouvoirs ces derniers jours ? Même si je n'avais jamais constaté de telles fatigues chez ma sœur, notre tante ou moi, peut-être que cela était suffisant pour elle ? J'avais l'esprit trop plein de théories, toutes les plus improbables les unes que les autres.
Ainsi perdu dans mes pensées, je n'entendis pas Elizabeth entrer dans la chambre de mes parents. Ce n'est que lorsque mon père se leva en sursaut que je revins à moi.
— Elizabeth ! Je suis soulagé que vous soyez rentrée. Je ne comprends pas ce qu'il se passe. Tout allait bien, nous discutions ensemble avec Alex et Mary lorsqu'elle s'est écroulée d'un seul coup dans mes bras. Nous avons tout essayé pour lui faire reprendre connaissance, mais rien ne marche. Nous avons besoin de vous, une fois encore... lui apprit-il.
Elle posa sa main noueuse sur l'épaule de mon père. Mais son visage grave ne semblait rien présager de bon.
— Tante Elizabeth, y a-t-il quelque chose pour la réveiller ? lui demandai-je, n'en pouvant plus.
Elle se rapprocha de ma mère et déposa ses doigts sur son front avec délicatesse, comme si elle avait peur de briser sa nièce, qui pour moi était la femme la plus forte du monde. Puis elle ouvrit tout doucement les paupières de l'inconsciente pour voir l'état de ses pupilles, saisit son poignet afin de prendre son pouls, elle bougea avec lenteur son cou, ses bras et ses jambes. Plus elle l'auscultait et plus elle avait l'air aussi perdue que mon père et moi. Puis elle s'éloigna, le visage décomposé.
VOUS LISEZ
Running Out of Time - Tome III [SOUS CONTRAT D'ÉDITION-ÉDITION ALTER REAL]
Paranormal[Attention, tome 3 ! Veuillez lire les deux tomes précédents pour ne pas être perdus ! 😊] Alors que ses sœurs sont parties accomplir leurs missions, Alexander, dont les talents ne sont pas reconnus par la majorité de l'Ordre des Gardiennes, se retr...