Cet été-là

JARED

Allison et Eva ont décidé de partir seules au bal masqué. Je n'ai aucune idée du pourquoi mais elles nous ont assuré qu'elles nous suivraient de près. Les parents ont accepté à condition qu'elles arrivent rapidement après nous. Par conséquent, je n'ai pas vu la tenue d'Eva, je n'ai pas le moindre indice sur l'apparence qu'elle va pouvoir avoir ce soir. Je me sens comme un enfant impatient de se lever le jour de Noël. Je suis si impatient de la voir que j'ai passé de longues minutes à tourner en rond dans ma chambre jusqu'à notre départ. A présent, l'attente de la voir arrivée au bal me tiraille le ventre. Ma patience a atteint son maximum si bien que mon pied martèle le sol frénétiquement. J'essaie de cacher mon impatience en vain.

-Elles ont intérêt à ne pas arriver trop tard, chuchote Karen à l'intention de ma mère.

C'est au moment où elle prononce cette phrase que j'aperçois sa longue chevelure blonde. Les autres ne la voient pas encore. Ils leur faut plusieurs secondes avant de réaliser que c'est elle. Pour ma part, je connais son corps sur le bout des doigts et pourrais la reconnaître entre milles. Elle porte une magnifique robe noir où sont brodés de beaux motifs dorées d'un style un peu baroque comme au temps des châteaux. Ses formes sont exposées à la vue de tous. Une pointe de jalousie me pique le coeur. Je suis heureux et, en même temps, malheureux de savoir que tout le monde peut la voir comme je la vois. Lorsque je jette un coup d'œil à mon frère, je vois que celui-ci à les yeux totalement exorbités à tel point qu'ils sortent quasiment de leurs orbites. Je réprime nerveusement un rire et me concentre de nouveau sur ma douce qui s'avance dans l'immense salle de bal. Je ne parviens toujours pas à croire qu'elle m'appartient, seulement jusqu'à la fin de nos vacances mais peu m'importe, je m'en contente. Elle est si belle. Je peine à me dire que notre petite idylle va malheureusement bientôt devoir prendre fin. Notre séjour ici ne va pas tarder à s'achever et, comme nous en avons convenu elle et moi, notre histoire se terminera également. Nous avons conclu un marché et nous sommes prêts à le respecter même si l'idée de devoir la quitter me laisse une sensation de vide au fond de mon coeur. Tout est allé trop vite entre nous si bien que je n'ai pas pris le temps de réfléchir à ce que je pouvais ressentir réellement pour elle. J'ai simplement pensé au moment présent sans me soucier de ce qui pourrait m'arriver.

Aujourd'hui, tandis que je la scrute de bas en haut, un pincement me grignote petit à petit le coeur comme une petite bête avide de sang. Un douleur sourdre s'épanouit dans ma poitrine et je prends une grande inspiration pour me calmer et détendre mes muscles qui sont tendus à m'en faire mal.

Allison et Eva fendent la foule pour nous rejoindre sur leurs hauts talons. Elles semblent s'être réconciliés puisqu'elles avancent main dans la main tandis qu'un sourire sincère est plaqué sur leurs visages. A mon plus grand étonnement, elles ont l'air de ne jamais avoir été en conflit.

-Qu'elles sont belles, s'empresse de les complimenter ma mère des étoiles plein les yeux. Vos robes sont ravissantes, mes chéries.

-Merci beaucoup, répondent-elles en coeur.

-Mes filles sont vraiment magnifiques, ajoute Karen satisfaite que tout le monde puisse admirer la beauté de sa progéniture.

-Arrête maman, soupire Allison exprimant sa fausse modestie. Tu deviens gênante, voyons.

-Votre mère a totalement raison, soutient leur père tout aussi fière que sa femme. Vous êtes sans aucun doute les plus belles de la soirée.

-N'exagérons pas, intervient Eva que je n'ai pas pu quitter des yeux depuis qu'elle est arrivée. Fini les compliments.

Je meurs d'envie de la serrer dans mes bras pour lui chuchoter à l'oreille à quel point je la trouve belle moi aussi. Malheureusement, le moment serait mal choisi là devant nos parents qui ne savent rien de ce qui se passe entre nous depuis quelques jours. Mieux vaut se retenir et attendre un moment plus intime.