Nouvelle #7

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Mon amour,

Si il n'y avait pas cette brûlure dans ma poitrine, je jurerais être tout à fait morte. Une douleur lancinante au creux de mon cœur, qui semble déchirer mon âme morceau par morceau.

Mon cœur qui s'affole, s'essouffle, s'effile, s'effrite, s'effondre et s'enflamme... Puis tombe en un petit tas de poussière, grains de tristesse au milieu du désert des malheurs du monde.

J'erre dans chaque pièce de la maison comme un fantôme, absente lorsque tu n'es pas là, transparente quand tu es invisible. Les gens ne semblent pas me remarquer, ils m'évitent du regard. C'est à se demander lequel de nous deux est mort.

En parlant de ça... Ta mort. Je t'en ai tellement voulu d'être parti sans moi. Je t'ai tellement haïs, je t'ai tellement détesté que j'ai cru que mon amour était complètement anéanti.

Mais le temps a filé - plus lentement que jamais - mais il a filé. Et avec, mes blessures se sont anesthésiées. Tous ceux qui disent qu'elles guérissent sont des menteurs ; la douleur ne disparaît jamais, on n'y fait juste plus attention.

Et aujourd'hui je me retrouve à moitié dans les vappes la plupart du temps. Je m'oblige à faire semblant d'aller bien, mais je ne convainc personne. Dans le miroir tout ce que je vois c'est l'image d'une fille aux cernes noirs, au regard vide.

Vide. Je m'efforce de ne ressentir aucune émotion. Je me fais amnésique volontaire pour ne pas souffrir. J'ai déjà trop pleuré, et mon corps est aussi sec qu'un désert. Tu sais, le désert des malheurs du monde. Et bien c'est moi. J'ai essayé de m'abrutir de médicaments, de me noyer d'alcool, mais à chaque fois je me réveillais.

J'ai fini par croire que tu étais là pour m'empêcher de partir, d'en finir une bonne fois pour toutes. Alors j'ai accepté de devoir continuer à vivre. Je finirai bien par mourir un jour de toute façon.

Lorsque parfois je crois aller enfin mieux, ne serait-ce qu'un peu, quelque chose - n'importe quoi, la vue de ta tasse préférée, une chanson à la radio, une publicité pour ton dentifrice - et je m'écroule à nouveau.

Littéralement. Je tombe à genoux au sol et je reste prostrée là, quelques minutes, quelques heures. À respirer comme tu me l'as appris. Un, deux, trois... Et on recommence. À chaque fois j'espère que mon souffle apaisera le brasier de ton absence, la brûlure horrible de ta disparition. Parfois ça fonctionne, d'autres fois je ne fais que raviver les braises de ma douleur. Mais je me relève, et je reprends ma vie comme si de rien n'était.

Tu me manques tellement. Sans toi les petites choses du quotidien n'ont plus aucune importance. Je t'écris, alors que je sais que tu ne liras jamais cette lettre, mais je t'écris. Alors que rien ne paraît digne d'être raconté.

Ah si, il faut que je te dise. Je me suis pris d'une nouvelle passion pour les étoiles. Je me dis que tu dois être au ciel, parmi les astres, parce que tu es forcément quelque part. Alors pourquoi pas là haut ?

À dériver lentement dans le ciel, à courir sur les anneaux de Saturne, à sauter d'astéroïde en astéroïde, à jouer avec les comètes. À défaut d'avancer dans ma propre existence, j'ai appris celle de notre univers.

Je passe des heures la tête tournée vers le ciel, à imaginer ton visage dans les constellations. Ici l'arête de ton nez, là l'arc de ton sourcil, la courbe de ta bouche...

À croire que je deviens folle. Mais tu me manques tellement.

Dans l'attente du jour où je te rejoindrai,

Je t'aime.

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