Et les oiseaux, c'est amoureux ?
Dis moi César, c'est amoureux les oiseaux ? Après tout on dit bien que l'amour donne des ailes...
J'aimerais bien être amoureuse. Ou alors être un oiseau. Pouvoir m'envoler. Loin. Très loin. Loin de papa et maman qui se disputent. Loin de leurs sourires fatigués et de leur ton faussement rassurants quand ils me disent que ce n'est pas de ma faute, alors que leurs yeux crient le contraire.
Je voudrais effacer leurs larmes, éloigner leur malheur. Mais je peux pas. Tout ce que je peux faire c'est me boucher les oreilles et fermer les yeux très forts lorsqu'ils se disputent.
Tu sais César, je m'ennuie ici. De mon lit c'est tout juste si je peux voir un petit bout du parking par la fenêtre. C'est un peu triste, toujours gris.
Une fois, un moineau s'est posé sur le rebord de la fenêtre. Il m'a regardée en penchant la tête, pendant longtemps. Il faisait des petits "tchip tchip" compatissants, comme si il me plaignait de ne pas pouvoir faire comme lui. Déployer les ailes, sentir le vent sur mon visage...
Oh, il était bien moins beau que toi César ! Il était tout gris, gris comme le parking. Mais au moins il était libre lui.
J'en ai marre de devoir rester au lit toute la journée. Tout ça parce que je suis "fragile". Mais comment peuvent-ils le savoir ? Ils ne m'ont jamais laissé courir.
Quand ils pensent que je n'entends pas, papa et maman parlent de frais d'hôpital, d'opérations, d'argent. Je crois que mes jambes leur coûtent trop cher.
Ils me disent le contraire, mais je pense qu'ils seraient soulagés si je n'étais pas là. Ça irait mieux pour eux.
Mais je ne peux pas partir, je ne peux même pas me lever. J'aimerais tellement avoir des ailes, et m'envoler loin de mon lit, loin de ma chambre ! M'envoler haut, si haut que je verrais toute la Terre entière !
Tu sais César, au final on est un peu pareil tous les deux. Tu es enfermé dans ta cage, et même si tu as des ailes on ne te laisse pas voler. C'est triste.
On est un peu pareil parce qu'on dit la même chose aussi. Je crois qu'à force de m'entendre le dire tu as appris à répéter "Ça va". Tu ne dis que ça, tout le temps ! Et c'est bien tout ce que je sais dire moi aussi.
Si j'étais une autre petite fille je pourrais courir dehors ! Faire de la balançoire, aller à l'école, parler avec d'autres petites filles, lire des histoires...
Dans les histoires de papa, la princesse est parfois sauvée par une autre princesse parce que "Tout le monde peut aimer tout le monde", parfois par un prince, elle brune, blonde ou rousse, des fois elle vit en Afrique, des fois au Groenland, elle gardée par un dragon ou par un chien à trois têtes, mais elle n'a jamais, jamais de fauteuil roulant. Papa dit que c'est parce qu'elle n'aurait pas pu monter toutes les marches de son donjon sinon.
Moi j'ai un fauteuil roulant. Des fois maman m'assois dedans pour aller jusqu'à la salle de bain ou pour regarder un peu la télé dans le salon.
Je n'aime pas le fauteuil roulant. Il ne va pas vite, il va toujours aux mêmes endroits, tout doucement. Si seulement je pouvais mettre des turbos dessus, il deviendrait une fusée ! Mais c'est juste un fauteuil roulant.
Et moi je suis juste une petite fille qui ne peut pas marcher, avec un perroquet pour seule compagnie. Une petite fille qui voudrait bien s'envoler mais qui est clouée dans son lit, avec un oiseau qu'on empêche de voler. Après tout il faut bien qu'il reste avec la petite fille...
J'aimerais tellement pouvoir voler.
Dis César, les oiseaux... C'est amoureux ?

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RandomCeci est un recueil de nouvelles, mais tu y trouveras aussi des poèmes, des critiques littéraires, des photos... Je ne publie pas très régulièrement ici, mais quand je le fais ça en vaut la peine (j'espère).