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   En sortant du collège, je prends directement la direction de ma maison, accompagné de Sarah, le cœur tout de même bien plus léger que tous les autres jours. J'ai une amie, et une protectrice; rien ne peut plus m'arriver, je suis invincible. 

   Maintenant que ça ne m'empêche pas de me concentrer, je trouve le fait de discuter avec Sarah bien plus agréable. Au bout d'une dizaine de minutes, alors que je lui parle de mon petit frère, Matthéo, j'entends un bruit derrière moi. Beaucoup de personnes, qui parlent très fort. Sarah elle aussi l'a remarqué, car nos regards se croisent pendant que nous tournons la tête par-dessus notre épaule pour connaitre les responsables de ce cafarnaum. 

   J'aurais du m'en douter. J'étais tellement absorbée dans ma conversation que je n'ai même pas reconnu leurs voix. Ethan et sa bande de monstres, particulièrement doués pour la gravure d'insultes sur affaires personnelles. Mon rythme cardiaque augmente, et instinctivement, j'accélère le pas, pour ne pas dire que je m'enfuis en courant. Mais soudain, j'entends cette voix, qui pour la première fois a changé de camp, et me défend. 

 - Pardon, mais en fait on discutait, tranquille, et vous venaient faire le bruit d'un éléphant derrière nous, ça va pas être possible. 

 - Pardon, mais en fait on fait autant de bruit qu'on veut, là où on veut ! s'exclame un des garçons, en se moquant clairement de nous. 

 - ... tant que ça ne nuit pas au bien-être des autres, termine Sarah. Sérieux, dégagez, bande de cons... 

 - Ohlala si Madame est dérangée comme ça par notre présence... dit Etan en commençant à s'éloigner. Venez, les gars !

   Le groupe s'éloigne rapidement, et la petite ruelle retrouve tout son calme, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Nous redémmarons, et je me tourne vers Sarah :

 - Merci, je murmure simplement.

 - Y a pas de quoi, et puis, tu sais, moi aussi je les trouve vraiment insupportables. Mais surtout, ils ont pas le droit de te faire... Tout ce qu'il te font, répond-t-elle, gênée par la fin de sa phrase. 

   Je la comprends, moi-même je ne sais pas vraiment comment nommer ce qu'il m'arrive. Ai-je le droit de le nommer par le sacro-saint nom de harcèlement ? N'est-ce pas un terme trop fort ? Même si au fond de moi je sais que non, je me force à penser que ça passera, que ça arrive à tout le monde, que ce n'est rien. 

   Pour lui éviter cette gêne, et pour ne pas qu'elle se sente à  nouveau coupable trop régulièrement, je décide de lui dire : 

 - Tu sais, on est pas obligées de parler de ça. Ni toi ni moi n'aimons ça, et je préfère les sujets plus... positifs, tu vois ? 

 - Ok, ça marche, dit-elle, avec un soupir de soulagement.

 - On est arrivé, je dis, en montrant ma maison derrière moi. Bon bah, à d'main... 

 - Salut ! s'exclame-t-elle, coupant court à ce moment de léger malaise en partant vers sa propre maison. 

                                                                                                                          *

   Pendant que je prépare mon sac, juste avant d'aller me coucher, je revois le message de Sarah sur ma trousse, et caresse les lettres du bout des doigts. Je l'aime vraiment beaucoup et notre amitié m'apparait comme le plus grand et le plus beau miracle de ma vie.

Regardez-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant