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   Je me force à me relever, car mes parents ne vont pas tarder à rentrer, et je ne supporterai pas qu'ils sachent ce que je fais. Alors, au ralenti, j'entoure mon avant-bras de Sopalin, puis en mouille quelques feuilles pour nettoyer les traces de sang par terre, et la lame. Je n'oublie pas de la ranger, puis monte les escaliers pour me rendre dans la salle de bain. 

   Je ferme la porte à clef, au cas où. Je déroule ensuite au dessus de l'évier le papier devenu rouge de mon bras, puis passe ce dernier sous l'eau pendant une dizaine de secondes. Je retire me vêtements, lentement, un par un, et pénètre dans la douche. Nous avons aussi une baignoire, mais je veux passer le moins de temps possible ici. Et je n'aime pas vraiment les bains. Je trouve ça d'un ennui mortel. 

   Je laisse l'eau ruisseler sur mon visage, remplaçant les larmes. Je n'arrive plus à pleurer, j'ai l'impression d'être... vide, que mon esprit s'est envolé, qu'il ne reste plus que mon corps. Si seulement c'était lui qui avait pu s'envoler... 

   Je ne ressens plus de tristesse, je suis la tristesse. 

                                                                                                                          *

   Alors que j'enfile mon pyjama préféré, rose à pois dorés, j'entends mon téléphone sonner juste à côté de moi. Je regarde qui m'appelle : c'est ma mère. J'attrape le portable et décroche.

- Allo ?

- Allo ma chérie, c'est maman. C'est pour te prévenir, moi et papa on ne pourra pas rentrer avant tard ce soir. Il y a un reste de pâtes bolognaise au frigo si tu veux. Matthéo reste chez la nounou, je passerai le chercher en rentrant.

- Ok...

- Je suis vraiment désolée ma chérie, je ne peux pas faire autrement.

- Je sais. C'est pas grave.

- À tout à l'heure mon amour !

- À tout à l'heure maman.

   Je raccroche, plus déprimée que jamais. Les larmes, que je croyais taries, se sont remises à couler sans même que je m'en rende compte.
 
   En même temps, ça m'évite d'avoir à faire semblant d'aller bien. Mais j'aurais quand même aimé que maman soit là. Elle me manque. J'aurais aimé pouvoir lui raconter ce qui s'est passé, pouvoir pleurer dans ses bras, et qu'elle me caresse les cheveux en me disant que tout ira bien, même si c'est faux.

   Parce que rien ne pourra plus jamais aller bien. Parce que Sarah ne veut plus me parler. Ma vie est finie. Je suis à présent condamnée à passer mes journées à pleurer, en repensant aux moments passés avec elle. Quand je m'efforce de me rappeler des souvenirs heureux, son visage revient inlassablement hanter mon esprit.
  
    Je ne lui en veux plus d'avoir réagi comme ça. Il m'arrive aussi d'être méchante sur le coup de la surprise. Ça arrive à tout le monde. Et j'ai vraiment besoin d'elle. Maintenant que j'ai goûté au bonheur procuré par l'amitié, m'en voir privée quelques heures est insupportable.

   Je veux simplement qu'elle revienne, qu'elle me parle à nouveau... Elle me manque tellement !

   

Regardez-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant