9

62 12 16
                                    

   Je ne vois pas Sarah, mais je la devine, sous l'ombre massive de son père, qui la roue de coups, et semblent lui hurler dessus. Dès que vois un petit bout de la silhouette de Sarah, essayant de se relever, un coup de pied le fait immédiatement disparaître. Je suis pétrifiée. Je n'arrive pas à y croire... 

   Quand son père sort enfin de sa chambre, je me rends compte que ma respiration est saccadée et que je suis au bord des larmes. Quelle horreur ! Elle se relève, lentement, et quand j'aperçois enfin son visage, je vois qu'il est baigné de larmes. En soit, ce n'est pas étonnant, mais je ne pensais pas la voir un jour pleurer. 

   Elle lève la tête, et son regard pénètre le mien, rempli d'une rage intense. En quelques secondes, la tristesse a laissé la place à sa colère folle. Elle fait volte face, et à partir de ce moment, je sais que ça va mal se passer.

   Il me semble se passer des heures avant d'entendre la porte claquer, et de voir Sarah se rapprocher de moi.  

 - Qu'est-ce que tu fous là ?! elle hurle.

 - Je... Je voulais juste te parler, je pensais pas que... 

 - Qui te dis que j'ai envie de te parler ?! 

   Je ne réponds même plus, sachant très bien que ça ne me sera d'aucune utilité. 

 - Et je t'avais dit de pas venir !!! Je te l'avais pas dit ?! Réponds bordel !

   Je hoche seulement la tête, occupée par les gens qui commencent à sortir de chez eux, rameutés par ses hurlements. 

 - Pourquoi t'as encore eu besoin de t'occuper des affaires des autres ?! T'es pas possible !! Et de toutes façons je veux pas te parler, j'ai pas envie, tu comprends grosse débile ?

   Ça recommence. J'aurais été en paix pour bien peu de temps. Quelque part, je m'en doutais, c'était trop beau pour durer, mais ça fait quand même tellement mal quand ça arrive vraiment... 

   Mon cauchemar se réalise. Reconnaissants leur complice en détresse, Ethan et les autres sont aussi sortis. Et ils arrivent. Vite, tellement vite. Sarah crie toujours, mais je ne l'écoute même plus, ce qui m'épargne certainement d'autres paroles insupportables. 

 - Eh Sarah, ça va ? Qu'est-ce qu'elle fout là l'autre ? demande Ethan, en appuyant bien sur le dernier mot, accompagnée d'un regard dédaigneux vers la chose dégoûtante que je suis. 

 - Ouais, elle vient ici, comme ça, juste parce qu'elle veut soi-disant me parler... Elle a dû oublier que je parle pas aux sous-merdes comme elle... 

   Je ne peux plus contenir mes larmes. Comment a-t-elle pu me trahir de cette façon ? Après tout ce qu'on a vécu ?

   Forcément, ils commencent tous à se moquer de moi. J'ai l'impression que je vais me réveiller, ce n'est pas possible ! Hier encore j'étais immunisée...

   Sarah, poussée dans son élan par le fait d'avoir un public, lance, d'un air nonchalant :
  
- Vous saviez que cette salope se mutilait ?

   Ces mots s'abattent sur moi comme la foudre. Ils commencent tous à rire, et à lancer des remarques dégoûtantes sur moi, sur ce que je fais, sur tout.  Je dois m'en aller. Maintenant.

   Je n'ai même pas tourné les talons qu'ils sont tous sur moi, à remonter violemment les manches de ma parka, puis de mon pull, pour voir ces fameuses plaies, apparemment si intéressantes. Je m'écroule, prise d'assaut, sans pouvoir résister à la dizaine de corps qui sont soudainement collés au mien.

   Quand ils voient mon bras, leurs rires redoublent d'intensité, et les plaisanteries volent dans tous les sens. Ils donnent des coups de pieds dans mes blessures, puis partout sur mon corps, recroquevillé, et secoué de sanglots. Je ne peux plus. Qu'ils me tuent, vite. J'ai mal. Je saigne, extérieurement aussi bien qu'intérieurement.
 
   Je ne sais pas combien de temps ça a duré avant qu'il ne me laisse là, par terre, toute seule. Je n'étais plus totalement consciente, j'entendais seulement des bribes de phrases. Les seules paroles que je pense avoir entendu distinctement étaient celles de Sarah, qui a hurlé à plusieurs reprises "Arrêtez putain ! Vous voyez pas qu'elle est dans les vapes ! Vous allez la tuer bande d'abrutis ! Lâchez-la !!"

Regardez-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant