Je deviens de plus en plus proche de Sarah. Maintenant, je ne suis plus du tout agacée par son bavardage, bien au contraire. Elle est vraiment très attentionnée, et plus rien ne m'est arrivé depuis que nous sommes devenues amies. Je lui en suis vraiment reconnaissante, je ne pense pas qu'elle se rende qu'elle m'a sauvé la vie, mais moi, je ne l'oublierai jamais.
Aujourd'hui, pour la première fois, je l'ai invitée chez moi. Elle a eu du mal a accepter, car elle "ne pourra jamais m'inviter". Elle ne m'en a pas dit plus, et je n'ai pas voulu poser trop de questions. Je lui ai seulement assuré que je m'en fichais, et que je l'avais invité parce que ça me faisait plaisir, et pas pour qu'elle me le propose à son tour.
Mais je me demande vraiment pourquoi je ne pourrai jamais aller chez elle. Je sais seulement qu'elle habite dans les blocs, à quelques rues de chez moi. Peut-être a-t-elle honte de ça ? Mes parents ne sont pas "riches", mais gagnent assez pour avoir acheté la grande maison dans laquelle nous vivons. Je pourrais tout à fait comprendre que ça la gêne.
Quand nous passons le pas de la porte, après les cours, Sarah regarde tout autour d'elle, les yeux grands ouverts.
- Wahou... souffle-t-elle. C'est...
- C'est juste une maison, je dis en riant, pour détendre l'atmosphère. Fais comme chez toi.
Elle hoche lentement la tête, toujours absorbée dans sa contemplation. Je sais très bien qu'elle n'osera pas faire "comme chez elle". Je me demande même pourquoi je l'ai dit. Je l'entraine dans la cuisine. Étant donné que mes parents ne rentreront pas avant dix-huit ou dix-neuf heures, on dispose de la maison toute entière, et on est pas obligée de se réfugier à toute vitesse dans ma chambre, pour avoir un semblant de tranquilité. Après qu'elle ait refusé de manger quelque chose, nous nous asseyons à la table en bois brut de la salle à manger pour faire nos devoirs. Alors que je regarde dans mon agenda le travail à faire pour le lendemain, Sarah fouille dans ma trousse, certainement pour y prendre un stylo, ou autre chose; c'est devenu une habitude pour elle de se servir dans mes affaires, et je ne m'en formalise plus, je trouve même ça mignon.
- Aïe ! C'est quoi ça ?! s'exclame-t-elle.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu t'es fais mal ? je demande, sans même lever la tête, habituée à ses réactions excessives.
- Eve... C'est quoi ça ?!
Alarmée par sa voix choquée, je consens enfin à la regarder. Quand je vois ce qu'elle tient entre ses doigts, je ne suis plus capable de faire quoi que ce soit. Comment... ? Pourquoi... ?
- Qu'est-ce que tu fous avec une putain de lame dans ta trousse ?! Réponds !!
Aucun son ne peut sortir de ma bouche. Mon dieu, comme j'ai honte ! Mais elle n'avait pas le droit de la découvrir. C'était mon secret. Le mélange d'émotions en moi me donne l'impression que je vais partir en cendres, d'une minute à l'autre.
- T'es même pas capable de répondre ! T'es sérieuse ?! J'aurais jamais pensé ça de toi, tu me dégoûtes ! hurle-t-elle en se levant.
Elle envoie sa chaise, qui tombe au sol dans un bruit sourd, derrière elle, récupère son sac par terre, et part d'un pas décidé, dans lequel transparait sa colère. Je n'essaie même pas de la rattraper.
- Sarah... je chuchote.
Quand la porte claque, je laisse mes larmes couler, en m'effondrant sur le sol. Pourquoi ai-je fait ça ? Pourquoi ?! A cause de ça, je me retrouve seule. A nouveau. Je m'en veux, je m'en veux, mon dieu comme je m'en veux !
Puis, sans prévenir, du désespoir renait la colère. Si elle m'avait laissée tranquille, si elle ne m'avait pas insultée sans interruption, frappée jusqu'au sang, si elle n'avait pas tout fait pour que je ne considère même plus comme méritant de vivre, jamais l'idée de cette lame ne m'aurait effleuré l'esprit. Et après tout ça, la seule chose qu'elle trouve à faire, c'est m'hurler dessus, encore ?
Je trouve la force de me mettre à genoux, pour tendre le bras, et tâter la table, jusqu'à ce que mes doigts touchent le métal froid. Je m'y accroche de toutes mes forces en me laissant retomber sur le sol. Puis je commets cet acte autrefois essentiel, et auquel je n'avais plus songé une seule fois depuis que j'avais une amie.
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Short Story"Chacune de ces insultes me faisait l'effet d'un poignard qui me transperçait le cœur" Eve subit du harcèlement scolaire, à cause de son surpoids. Alors qu'elle semble prête à abandonner l'idée de survivre à tout prix, une de ses principale harce...