Surprise !

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— Bonjour madame, je voudrais un ticket, s'il vous plaît.

Déçue. Pire. Très, très, très déçue. Je me suis raconté des films toute la nuit, pour me retrouver devant une caissière. Certes fort aimable, mais une dame quand même ! Où est mon joli garçon ?

Je saisis le coupon en la remerciant et me dirige d'un pas traînant vers les vestiaires des femmes. Espérant avoir plus de temps avec lui, j'ai même avancé mon réveil pour être dans l'eau une demi-heure plus tôt. Alors oui, il n'y a pas un chat à cet horaire si matinal, mais à quoi bon ? Et s'il ne venait pas aujourd'hui, finalement ? Tant pis. Ça rattrapera la séance écourtée d'avant-hier, même si le bikini noir déstocké pour l'occasion n'est pas très pratique pour enchaîner les longueurs. J'en prends mon parti et pousse la séparation en plastique rigide qui ouvre sur le grand bain.

Effectivement, c'est vide et silencieux. Aucun moniteur en vue, ce qui m'interdit aussi de mettre un pied dans l'eau. Leur porte est close, aussi je vais chercher mon matériel habituel avant de revenir leur signaler ma présence. Ma main reste bêtement suspendue dans les airs à toquer dans le vide. Cette fois, leur porte est grande ouverte, et je manque de cogner sur un torse velu. Mes yeux remontent vivement sur le visage hilare de mon fantasme. Mes joues s'enflamment. Ça devient une sale habitude.

— Il n'y aura pas grand-chose à ouvrir si vous me toquez dessus.

— Je-je-je... bonjour ! Pardon ! Oui ! Non ! Gnéééé ?

Mon cerveau a fondu. Vingt-huit ans d'évolution pour en arriver là...

— Vous m'accordez dix secondes, le temps de finir de m'habiller.

— Nooon !

Est-ce bien moi qui viens de couiner à l'idée qu'il recouvre ce torse viril d'un bout de tissu inutile ? Il me fixe un peu étonné, puis son regard se charge d'une expression éloquente. Il faut avouer que ma façon de le mater laisse peu de place à l'imagination.

— Tu veux rester ici ?

Passé directement au tutoiement, il vient d'expédier tout préliminaire. Je hoche la tête, incapable d'avancer. Il s'approche un peu plus, son souffle balaie mon front brûlant. Serait-il aussi troublé que moi ? Mes genoux claquent en rythme. Je suis morte de trac et surexcitée. Ses mains saisissent les miennes pour m'entraîner à l'intérieur du bureau. D'un léger coup de pied, il referme la porte derrière moi. Je suis très émue et j'ai diablement envie de lui. Mais une vraie fille ne se conduit pas comme une traînée. Une vraie fille se contente d'attendre cinq rendez-vous en battant des cils et en faisant sa précieuse, quand un homme inconnu l'entreprend. Non ? Non. Et puis, ce n'est plus un inconnu puisqu'il m'a déjà dit son prénom hier ; Maxime, Max pour les intimes. Si je glisse ma main dans son maillot, est-ce qu'on peut se considérer comme intimes ?

Pour l'instant, nous n'en sommes pas encore là. Ses doigts encadrent mon visage, son pouce touche délicatement mes lèvres, les effleure puis se fraie un passage. Je les entrouvre, hypnotisée par l'expression presque tendre que je décèle. Quelque chose chez lui me serre le cœur. Même si nous en restons là, un sentiment bizarre est en train d'imposer sa loi. Je ne parviens pas à l'identifier, mais je sais déjà que je joue à un jeu très dangereux.

— Tu as envie ?

J'ignore s'il fait mention à sa langue ou à autre chose, mais dans le doute, je réponds oui aux deux. Sa bouche est à quelques millimètres, je crève d'envie d'en goûter la texture. Il ne bouge plus, mais je devine que son éternel petit sourire en coin est revenu. Mes orteils me poussent à sa rencontre, je parcours la distance qui nous sépare sans réfléchir, me hissant à sa hauteur.

Oh mon Dieu !

Le baiser provoque une explosion de sensations. Nos lèvres se trouvent, tout en douceur, elles s'explorent mutuellement. Mon cœur bat la chamade.

Dans ma tête, c'est retour à l'adolescence. Je m'appelle Julia, j'ai treize ans et j'embrasse un garçon pour la première fois.

Plus notre étreinte se prolonge, plus je désire l'approfondir. Sa langue me devance et vient s'immiscer entre mes lèvres. Quand nos langues se mêlent, il me presse plus fort contre son corps. Je n'ai jamais été embrassée ni me suis embrasée comme ça. C'est du velours, soyeux, précieux. Une merveilleuse découverte.

Tout à coup, je me dis que baiser sauvagement dans un coin de vestiaire n'est pas ce que j'attends de la vie. Que ce soit lui ou un autre, le problème reste le même. Mon éducation ne m'a pas libérée, au point de me laisser sauter par le premier venu. Être embrassée, oui sans aucun doute. La preuve. C'est un moyen très agréable de lier connaissance, et d'évaluer notre compatibilité. Mais être retournée à la va-vite sur un bureau les fesses à l'air... Hum, aurai-je le cran d'assumer ? Bien-sûr, s'il le faut, j'irai jusqu'au bout.

Heureusement, pour le moment, il ne semble pas vouloir en prendre le chemin. Ses bras me tiennent sagement par la taille, sans tenter une descente pour mieux tâter le terrain. Je passe mes bras autour de son cou, pour lui montrer combien j'apprécie l'instant. Son baiser se fait plus passionné, nous perdons peu à peu toute pudeur pour nous frotter l'un contre l'autre. Finalement, je vais passer à la casserole. Soudain, il me repousse, sans brusquerie mais avec assez de fermeté pour que j'en ressente une énorme frustration et un début d'humiliation.

— Ça faisait des semaines que je fantasmais sur ce baiser, commente-t-il en reprenant son souffle. Tu as aimé ?

— Oui. Beaucoup.

— Et maintenant ?

Il me scrute, attendant probablement que je saute le pas. Devant mon silence, il reprend, moins assuré.

— Ici, ce n'est pas vraiment le lieu. Mais putain, ce que j'en ai envie !

Il saisit ma main et la presse contre sa belle érection. Elle tressaute entre mes doigts, le faisant soupirer. Maîtresse de son plaisir, je suis plus à l'aise. Ça nous place sur un pied d'égalité. J'apprécie la taille imposante et la vigueur apparente du membre, tout en observant ses réactions. Il ferme les yeux, s'offrant en toute confiance. La bouche entrouverte laisse échapper de petits râles sensuels à chacune de mes caresses. Une fois de plus, c'est lui qui arrête mon geste en bloquant ma main. Quel allumeur !

— Si je m'écoutais...

De petits rires retentissent non loin. Nous ne sommes plus seuls. Des nageurs viennent d'arriver et doivent attendre à côté du bassin qu'un maître-nageur apparaisse.

— On se voit tout à l'heure ?

Son ton est plein d'espoir, pendant qu'il enfile son tee-shirt en quatrième vitesse. Je n'ai pas le temps de répondre, dépassée par ses changements d'avis continuels. Il m'attrape la nuque et me donne un baiser rapide avant de sortir rejoindre les autres.

Mes doigts dessinent l'empreinte laissée par ses lèvres. Quel tourbillon ce jeune homme ! J'adore. Prenant une grande inspiration, je sors à mon tour, sous le regard effaré des filles qui entourent Max.

Ok, c'est officiel. Je suis la salope du jour et Max le héros à épingler au prochain tableau de chasse.

Le coachOù les histoires vivent. Découvrez maintenant