23 juin 1998

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De: Ginevra Molly Weasley
Le : 23 juin 1998,
Où : Le Terrier, domaine à proximité du village de Loutry Ste Chaspoule, dans le comté du Devon.

À: Fred Weasley,
Au paradis.

Mon très cher Fred,

Nous sommes aujourd'hui à la fin juin. Il fait beau dehors, l'été est arrivé. La chaleur extérieure est très différente de celle que nous ressentons à la maison, le soleil brillant contraste avec l'atmosphère morose règnant au Terrier. Malgré les quelques semaines qui se sont écoulées depuis cette fameuse nuit, les événements de la bataille sont toujours présents dans nos têtes.

Avec le temps, je pensais que la douleur martelant nos coeurs s'estomperait mais je me suis lourdement trompée. Elle est encore plus vive, comme si la flamme de la souffrance ne pourrait jamais s'éteindre. On compare souvent la flamme du coeur à l'amour passionné de deux êtres aimés, pourtant, elle pour moi synonyme d'accablement.

Bien que nous soyons tous tourmentés par les souvenirs de cette soirée, Papa est tout de même retourné travailler au ministère. Il me semble qu'il ne s'est jamais autant plongé dans ses dossiers qu'à ce jour. Je pense qu'il s'acharne au boulot pour ne pas penser qu'à son retour dans la soirée, il trouvera six et non sept enfants.

Notre petite maman adorée d'ordinaire si joviale s'est plongée dans un profond mutisme. Ses traits sont en permanence marqués par un air triste qu'elle tente tant bien que mal de camoufler : elle esquisse à longueur de temps un faux sourire. Pourtant, je vois bien qu'elle souffre.

On souffre tous. C'est indéniable.

Charlie n'a pas refait son apparition depuis tes funérailles. Bill, qui n'a pas tenu à retourner à la Chaumière aux coquillages pour retrouver sa belle, m'a dit qu'il était sans aucun doute reparti en Roumanie, n'ayant pas la force et le courage nécessaire pour affronter la sombre réalité. Hermione, qui n'a pas pu s'empêcher de donner son avis sur la question, comme à son habitude, a décrété que Charlie n'était qu'un "illustre égoïste de nous abandonner dans un tel moment de deuil". En parlant d'elle, elle a beaucoup pleuré ton départ. Cela m'a surprisz, surtout que vous n'étiez pas si proche. Après tout, peut-être que je me trompe. Est-ce que je me trompe ?

Je pense qu'il est inutile de préciser que plus personne n'a le coeur à rire ces jours-ci. Encore moins Percy, qui s'en veut atrocement. Tu ne dois pas comprendre pourquoi il a temps de remords à ton égard, mais il se sent responsable de ta perte. Il regrette d'avoir prononcé la-dîtes blague qui t'aurais fait perdre la vie selon ce qu'il nous dit. Maman et Papa ont beau lui répété qu'il n'est en rien coupable, impossible de lui sortir cette idée de la tête. Elle est ancrée dans sa conscience de telle manière à ce qu'il ne puisse passer au-dessus.

Quant à ton jumeau, ta moitié restée sur Terre, il est bien le plus anéanti de nous tous. Bien que chacune de nos tristesses soient légitimes, Georges semble si détruit qu'il paraît impossible à se reconstruire. Il a passé ces dernières semaines cloîtré dans votre chambre, à n'être plus que l'ombre de lui-même. La dernière fois qu'il s'est regardé dans un miroir, j'ai bien cru qu'il allait s'effondrer une bonne fois pour toute. Depuis, il les évite comme la peste et il porte constamment une capuche pour dissimuler ne serait-ce qu'une partie de son identité. La chose la plus horrible dans cette histoire, si on oublie ta constante absence, c'est le fait que vous vous ressembliez autant. Pas seulement physiquement. C'était un tout. C'était Georges et Fred. Fred et Georges. Lui et toi. Toi et lui. L'un sans l'autre ce n'était pas possible. Et pourtant aujourd'hui, il n'a pas d'autres choix que d'avancer sans une partie de lui-même.

Je ne t'ai pas encore parlé de notre cher Ronald Billius Weasley. Sache que sans lui, il n'y aurait plus d'espoir. C'est cette part de lumière qui rayonne parmi toute cette sombriété à laquelle ressemble notre vie ces temps-ci. C'est sans aucun doute le plus fort de nous tous. Il a pris la décision de retirer l'horloge de la cuisine et de la ranger en lieu sûr. Il nous était impossible de ne pas fixer l'aiguille désignant d'un air lugubre le mot "mort" sous ton nom lorsque nous étions installés autour de la table à manger. Il est vaillant et courageux. Je suis très fière de lui même si je me refuse de le lui montrer. Et toi qui affirmait de ton vivant qu'il faisait un mauvais Gryffondor ! (je te taquine).

Quant à moi, la petite dernière des Weasley... je ne sais pas quoi dire sur moi. J'aimerais pouvoir dire que j'essaie d'être forte, que je me montre en véritable Gryffondor mais c'est entièrement faux. Je ne ferais que nier mon accablement.

Pour tout te dire, j'ai l'impression que l'on m'a arraché brutalement la lumière qui éclairait mes journées, même les plus sombres. Tu étais ce feu crépitant et réconfortant que l'on retrouve après avoir bravé une tempête. Tu étais ce garçon aux cheveux roux, sportif et rigolo que tout le monde aimait. Tu étais... Tu étais tellement de choses ! Mais tu étais avant tout un Weasley, un de mes grands-frères, un de mes modèles que la mort m'a volé.

Je t'aime,
Ginny.


DEAR BROTHER | Fanfiction Harry Potter Où les histoires vivent. Découvrez maintenant