Chapitre 7 : Face à Face

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Il resta planté là, deux bonnes minutes à se demander quoi faire avant qu'elle ne l'aperçoive. Durant ce laps de temps qui lui parut interminable, le serpentard se retrouva désorienté. Il aurait voulu réagir, la surprendre avant qu'elle ne le remarque et lui lancer une réplique acerbe au sujet de cette élève modèle qui quitte les cours pour s'en aller pleurnicher dans les fourrés, et pourtant, rien ne vint, comme si les mots étaient coincés dans sa gorge. Il les voyait clairement, ces larmes qui ruisselaient le long de ses joues, ses épais cheveux en bataille tandis qu'elle s'y passait les mains dans un signe de stress semblaient pourtant tomber tristement le long de ses épaules recouvertes par la robe de sorcier de l'uniforme de Poudlard. Et surtout, il le sentait son chagrin, et en repensant à ce qui s'était dit dans le train, ne parvint pas à l'attaquer comme il l'aurait voulu. Tous avaient soufferts, et il ne pouvait nier que ce c'était en partie de sa faute. Personne, parmi les élèves de Poudlard, qui le dénigraient désormais, lançaient des insultes ou le traitaient de mangemort lorsqu'il passait les couloirs ne pouvaient imaginer combien il s'en voulait. Il restait persuadé d'avoir agi au mieux pour protéger sa famille, mais se faisant, il avait peut-être été à l'origine de milliers de morts, et tout cela pourquoi ? Pour vivre lui-même, ainsi que les siens, un enfer sous le joug de Voldemort dont s'échapper était devenu impossible, ou synonyme de mort inévitable. Tout cela pour aujourd'hui, rester sans voix face à la douleur de celle qu'il avait tant détestée par le passé, et qui l'avait pourtant sauvé par deux fois lors de la guerre de poudlard...

Toutes ces choses avaient eu le temps de défiler dans l'esprit du jeune homme lorsqu'il fit un faux mouvement qui se refléta dans l'eau, signalant sa présence à Hermione, qui se retourna effrayée, et l'air très en colère. Elle avait dégainé sa baguette magique avant même que Drago ait pu faire un geste, et elle s'apprêtait à lui lancer un sort lorsque la voix lui revint enfin.

- Non ! Je n'ai pas voulu te surprendre ! Je ne savais même pas que tu étais là !

- Tu m'espionnais ! Rugit Hermione, la baguette toujours en avant, des larmes autant de peine que de colère cette fois roulant le long de ses joues.

- Je t'assure que non, je suis passé là par hasard, vraiment...

Hermione semblait avoir du mal à le croire mais baissa sa baguette malgré tout, tentant de reprendre contenance. Après tout les préfets n'étaient-ils pas sensés montrer l'exemple et faire en sorte de s'entendre entre maisons ?

- Et... qu'est-ce que tu faisais là au juste Malfoy ? Sans tes amis serpentards en plus ?

- J'avais besoin de me retrouver seul. Lâcha Malfoy, surpris de réaliser qu'il disait la vérité et en oubliait d'être désagréable avec la gryffondor. Et toi Granger ?...

- Pareil. Avoua-t-elle en prenant une bouffée d'air avant de dire. Malfoy, de préfet à préfet, j'apprécierais que tu n'ébruites pas le fait que tu m'as vu... dans cet état. Ça ne serait pas très rassurant pour ceux qui nous voient comme des modèles de savoir que je peux être sujette à de telles...

- Tu as souffert. L'interrompit Malfoy. Hermione fit des yeux ronds. Pendant la guerre. Même... sous mes yeux, de la main de ma tante. Dit-il en déglutissant avec difficulté. Et lors de l'affrontement ici, à Poudlard, Potter et toi m'avez sorti de mauvais pas... Alors je ne compte pas "ébruiter ça" comme tu dis. Ça t'appartient, tu as le droit de l'évacuer.

Hermione n'en revenait pas. Bien sûr il ne reconnaitrait jamais qu'ils lui avaient à proprement parlé sauvé la vie, ni même que Ron y était également pour quelque chose, mais Drago Malfoy, LE Drago Malfoy, était face à elle, l'avait surprise en larme, et ne s'était pas attaqué à elle. Encore plus choquant, ne la tournait même pas en dérision alors qu'il en aurait eu largement l'occasion... Mal à l'aise, elle caressa automatiquement les mots que Bellatrix avaient gravé dans son bras. Ils étaient soigneusement cachés sous sa robe, elle préférait ne pas les montrer à Poudlard pour ne pas choquer les plus jeunes. Malgré elle, elle songea qu'il fallait également mieux que Mafloy lui-même ne les voient pas. Elle ne voulait rien dire, mais Malfoy s'était tu et fixait un point vers ses chevilles. Soudain, il eut l'air en colère contre lui-même, et tourna les talons, alors elle n'y tint plus.

- Et toi ?

Elle avait à peine chuchoté sa question alors qu'elle aurait voulu la crier, l'appeler pour le forcer à s'arrêter. Heureusement, peut-être à cause du vent, ses mots lui parvinrent, et il se retourna vers elle.

- Quoi moi ? Il n'avait pu empêcher le ton agressif de sa voix de se manifester, mais Hermione ne se laissa pas démonter.

- Toi aussi tu as souffert. Pourquoi refuser de le montrer ?

- Tu ne sais rien de ce que j'ai vécu. Et n'aie crainte, tes raisons de tout cacher sont bien plus nobles que les miennes ! Lâcha-t-il avant de faire à nouveau mine de s'en aller.

- Tu ne sais RIEN non plus de ce que je VIS ! Ce que m'a fait Bellatrix... Est le cadet de mes soucis !

S'exclama Hermione, soudain folle de rage sans trop comprendre elle-même pourquoi. Sans doute le dédain et le masque hautain du serpentard avaient-ils eu raison de ses nerfs, surtout alors même qu'elle s'était sentie sur le point de les faire tomber. Elle ramassa son cartable à terre et parti d'un pas déterminé en direction du château, sans un regard derrière elle. Malfoy planté là avec une sensation triste et perdue semblable à celle ressentie lorsqu'il l'avait découverte, la regarda s'en aller sans chercher à la retenir. Il était bien trop bouleversé pour prendre le risque de le lui montrer. Que vivait-t-elle ?... Qu'est-ce qui la faisait tant souffrir ? Pour la première fois en voyant la gryffondor, la sang de bourbe qu'il avait dénigrée autrefois fuir en direction du château, il la trouva magnifique, ses cheveux au vent voltigeant comme la voile d'un navire, sa robe de sorcière épousant les formes de son corps. Et pourtant il ne se rendit même pas compte de ces pensées qui lui traversaient l'esprit, car tout ce qu'il souhaitait comprendre, c'était ce qu'elle avait voulu dire. Décidé à le découvrir, il prit à son tour le chemin de Poudlard, filant directement dans la grande salle où il savait qu'il trouverait Blaise. De la compagnie lui changerait les idées.

Pour autant, et malgré une vie à Poudlard qui reprenait doucement son cours pour lui, Drago n'arrivait pas à se sortir cette phrase de la tête. Ses fonctions de préfet "sous la surveillance de Granger" s'étaient même plutôt bien passées jusqu'ici. Ils ne se parlaient pas, c'était donc gérable, mais il ne parvenait même pas à la provoquer, sans trop savoir pourquoi. Ses mots avaient eu sur lui bien plus d'effet que la gryffondor aurait pu le croire. Et c'est ainsi que plusieurs semaines plus tard, dans la salle commune de sa maison, il entreprit de rédiger une lettre à l'intention de sa mère. Il souhaitait ardemment savoir ce qu'avait enduré Hermione de si difficile lors de cette guerre. Heureusement pour le blond, son père séjournait à Azkaban, et n'était donc pas près d'en sortir. En effet, s'il y avait une chose dont Drago était certain, c'était que son père verrait d'un très mauvais œil que son héritier s'intéresse ainsi aux déboires d'une sang de bourbe et qui plus est, de la meilleure amie de Harry Potter. Pourtant c'était plus fort que lui, il avait besoin de savoir. Sa mère aurait sans doute elle aussi du mal à comprendre, mais il s'arrangea pour tourner sa lettre de manière à ce que cela passe pour du plaisir de la voir en souffrance plutôt que pour de la curiosité ou de la tristesse face à cet état de fait. Sa lettre prête à être envoyée, il quitta la salle sans adresser un regard à Pansy Parkinson qui lui faisait les yeux doux dans un coin de la pièce, affalée sur un fauteuil subtilisé à un première année.

Un vent de Changement (Dramione)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant