Influenceuse à la dérive

Chapitre 5

Si à un moment, cette aventure au bout du monde lui avait paru une bonne idée, il en était tout autrement à présent. Chloé avait revêtu le même uniforme que les autres (treillis et top noir) et se trouvait désormais livrée à elle-même au beau milieu de nulle part. On l'avait déposé en hélicoptère au Nord de l'île, dans une zone rocailleuse entourée de takamakas, une espèce d'arbre présent dans le Pacifique. On l'avait prévenu que des drones allaient sillonner l'île pour récupérer les images des candidats. Ainsi, elle était vraiment seule. Pas de notifications à checker, pas de messages privés à qui répondre, pas de contact à facetimer. Seule. Définitivement seule. 

Vingt minutes avaient passé et elle tournait déjà en rond dans ce décor vierge de toute habitation.

Abandonner ? Déjà ? Non, elle était plus forte que cela. Elle se laissait un jour au moins, histoire d'apparaître sur quelques images dans la production et ne pas se faire renvoyer de son agence. Que va penser Claire ? Et son frère, Florian ? Petite, c'était la première à monter aux arbres et à présent elle les craignait.

Elle ouvrit le sac à dos qu'on lui avait remis et en découvrit son contenu. Une trousse de premiers secours, une carte, une boussole et une gourde... vide. Evidemment, ç'aurait été trop facile.

La jeune femme pensa alors aux autres candidats : à la mannequin suédoise, au chanteur irlandais, à la youtubeuse canadienne, à son idole... Celui là même qui s'était fichu d'elle. O.K., elle l'avait sûrement trop idéalisé pendant son adolescence et voilà que le succès lui était monté à la tête. Pourtant, elle dut réfléchir un moment avant de retrouver le dernier film qu'elle avait vu de lui au cinéma et qui avait fonctionné.

Chloé chassa ces pensées inutiles de son esprit. Elle avait d'autres chats à fouetter... comme trouver de l'eau ou un abris pour la nuit par exemple... La carte au fond du sac retint son attention, des indications y étaient sûrement marquées. Elle la déplia et observa les contours de l'île avec une croix où chacun des participants avaient été déposés. Un plan d'eau y était indiqué, un peu plus au sud de sa localisation. Dans la vraie vie, celle moderne, à des milliers de kilomètres, elle aurait demandé à Siri pratiquement greffé à sa main de l'y conduire. Sauf qu'au bout de ses doigts se trouvait seulement une boussole. Elle essaya de se rappeler de ses cours de technologie et posa l'objet bien à plat. Elle attendit que la flèche s'immobilise puis se tourna de 3/4. L'eau était droit devant !

Waikona était une île magnifique, il fallait le reconnaître. Toutes ses couleurs émerveillaient la jeune femme. Sur le coup, elle avait encore le réflexe de penser à son téléphone et sa fonction appareil photo. Toutes ses images auraient magnifiées son feed Instagram ainsi que ses stories. Sa communauté parisienne aurait sûrement réagi en commentant que la météo de la capitale n'était pas au beau fixe, qu'elle devait profiter, repérer les bonnes adresses... Tout ce qu'elle aurait fait si elle avait eu son smartphone, et du WIFI. Mais ce n'était pas le cas et toutes ces pensées parasitaient son avancé vers son but : de l'eau. Sa gorge commençait à l'irriter et elle regrettait ses oeufs pochés qu'elle avait ingurgitait dans l'avion. Et quelle idée de boire un mimosa ? Cela l'avait assoiffé plus qu'autre chose !

Au bout d'une heure, elle décida de faire une pause, elle s'assit au pied d'un arbre quand un oiseau au superbe plumage rose  la survola. Bouche bée, elle se fit la réflexion que plus jamais elle ne regardait en l'air, à Paris, bien trop occupée à loucher sur son téléphone en bas.

Soudainement, la jeune femme entendit un bruit qui n'avait rien à voir avec ceux de la nature auxquels elle s'était habituée. Un animal ? Elle ignorait le genre d'espèces qui habitait l'île, pourvu que ce ne soit pas un carnivore. Quelque peu apeurée, elle se dissimula derrière un tronc tout en zieutant la destination du bruit.