Influenceuse à la dérive

Chapitre 7

L'aube avait pointé le bout de son nez et le feu de camp avait cessé de crépiter : une nouvelle journée radieuse s'annonçait sur l'île de Waikona. Il devait être 9h du matin mais impossible de le savoir réellement sans montre - ce que l'influenceuse n'avait pas apporté, ni smartphone - qu'on lui avait retiré. Peut-être était-ce la faim qui l'avait tiré des bras de Morphée ou le soleil qui tapait déjà sur sa peau mais toujours est-il que les paupières de Chloé papillonnèrent et s'ouvrirent sur un panorama magnifique. La mer, le ciel azur, la plage de sable fin et... Zac, recroquevillé à quelques mètres d'elle, encore tout endormi. Elle aperçut alors quelques fruits à proximité. L'acteur les avait-il cueilli pour elle ? O.K., il l'avait blessé au pied, également intérieurement, mais son comportement avait ensuite été plus qu'adorable en l'accompagnant pour trouver un endroit pour la nuit. C'était déjà compliqué pour elle à gérer le fait de vivre dans un nouvel environnement, il fallait aussi qu'elle évolue désormais en compagnie de son acteur préféré. Assez mystérieux, il semblait assez sûr de lui tout en arborant un côté sombre. Qui était-il vraiment ? Certes, elle avait tout lu à son sujet dans les tabloïds : drogue, alcool, relations malsaines... Mais sommes-nous vraiment ce que les autres racontent de nous ? Elle pensa alors à sa propre communauté, aux commentaires haineux qu'elle recevait parfois, aux insultes et autres revers de médaille de la notoriété virtuelle.

Saisissant sa gourde à ses côtés, elle but à grandes gorgées puis reprit le temps d'admirer la quiétude du paysage. Enfin, elle attacha ses cheveux châtain tout emmêlés avec le sable et l'humidité. Pour plus de tranquillité, elle s'était démaquillé avant le début du tournage : une première pour elle, qui à Paris, ne faisait rien sans un minimum de camouflage cosmétique ! 

La vie semblait simple ici : se nourrir, boire, dormir. Juste... survivre. En parlant de faim, son ventre gargouilla. Elle n'osait pas se servir dans les différents fruits à sa portée... Les drones-caméras pouvaient la filmer à tout moment et elle ne souhaitait pas qu'on la fasse passer pour une voleuse...

Au lieu de cela, elle retira son pantalon et son top, comme elle l'avait fait la veille dans la cascade et décida d'aller prendre un bain, son maillot de bain étant toujours sur elle. Son pied avait du cicatriser pendant la nuit car elle ne ressentit plus la douleur pour son plus grand bonheur.

Esquivant la silhouette musclée de l'acteur, elle parcourut la plage ensablée et plongea tête la première. L'air vivifiant du sel marin la réveilla davantage. La natation n'était pas son fort, pour autant, elle s'amusa à plonger et nager sous l'eau. Son corps se dégourdit et sa tête se vida. Quelle meilleure façon de commencer une journée ?

. . .

Zac choisit ce moment pour ouvrir à son tour les yeux, embués de fatigue. Il n'avait pas trouvé le sommeil avant tard dans la nuit (ou tôt le matin). Ses pensées l'avaient tourmenté. Avait-il fait le bon choix en venant sur cette île ? Il avait l'habitude des aventures mais le tournage était un vrai challenge pour lui. Et cette fille... Chloé, cette française de 24 ans qui paraissait si fragile dans cette jungle et si tourmentée dans son sommeil. Sans lui, où aurait-elle dormi ? La vision de son être quelque part en danger sur l'île lui avait été insupportable. Et dès qu'elle avait cessé de se retourner en tous sens dans son lit de fortune, il s'était enfin endormi à son tour.

Maintenant, le soleil tapait déjà sur sa peau et l'empêchait de faire une grasse matinée. Son premier réflexe fut de regarder là où son regard s'était posé une bonne partie de la nuit mais il ne trouva que des feuilles de bananiers et les fruits qu'il avait cueilli la veille. L'avait-elle déjà abandonné ? Inquiet, il se releva sur ses coudes et fut attiré par la mer : deux jambes s'enfonçaient au même moment dans l'eau. Cette fille n'était pas possible : aussi imprévisible qu'énergique. Il regarda ses allers-venus à la surface de l'eau. Il n'y avait pas à dire : elle était piètre nageuse ! Pourtant, il n'arrivait pas à décrocher. Il en avait vu des femmes magnifiques, en avaient fréquenté quelques unes mais aucune ne lui avait fait pareil effet. C'était indéfinissable. Il avait envie de la rejoindre sous l'eau, de la porter comme il l'avait fait la veille, de l'emmener ailleurs que dans cette aventure filmée...

Au lieu de cela, il alla chercher les fruits et les éplucha : son ventre criait famine et il devait se nourrir pour ne pas perdre de masse corporel !

Chloé choisit ce moment pour sortir de l'eau, en boitant et grimaçant cependant. Elle n'avait pas fait deux pas en dehors de l'eau qu'elle s'écroula soudainement dans le sable. Zac, spectateur de la scène, ne put s'empêcher de réprimer un sourire avant de lui porter secours.

- Oh bonjour... le salua Chloé en le voyant arriver, d'un ton innocent, comme si sa chute n'avait rien de douloureuse.

- Salut toi ! Répondit Zac sur le même ton léger. Un peu d'aide ?

- Non, ça va je... savoure le paysage.

Evidemment, elle mentait, trop honteuse d'admettre la vérité : son pied n'était pas du tout rétabli et s'était remis à saigner.

- D'accord, à toute alors ! Répondit Zac tout en tournant les talons.

Chloé ravala sa fierté.

- Zac, attends ! L'apostropha t-elle.

Il s'immobilisa, un sourire aux lèvres. Oui, cette fille n'était vraiment pas possible.

- S'il te plaît, j'ai mal... ajouta t-elle, la voix s'éteignant lentement.

Cette fois-ci, il revint vers la jeune femme. Il passa un bras sous ses genoux et l'autre dans son dos. A son contact, le soleil lui parut encore plus brûlant. Ou bien était-ce cette proximité ? Quoiqu'il en soit, ils restèrent tous deux silencieux jusqu'à ce qu'ils atteignent le camp. Il la déposa délicatement et inspecta son pied. Ce n'était pas beau à voir et sa grimace lui confirma.

- Est ce que je devrais arrêter l'aventure ? Demanda t-elle, soucieuse d'attraper une quelconque maladie.

- Est ce que tu en as envie ?

Elle se mordit la lèvre inférieure.

- Non ! Bien sûr que non ! Ce n'est que le début !

- Alors sais-tu rester tranquille un moment ?

Elle se sentit comme une petite fille qu'on venait de gronder avec cette impression de l'avoir déçu.

- Je te rappelle que je m'en serais très bien sortie si tu n'avais pas sauté comme un fou dans cette cascade ! Répliqua t-elle tandis qu'il commençait à nettoyer sa plaie.

- Tu t'es réouverte Chloé, cette fois je n'y suis pour rien.

Son ton était froid. Pourquoi agissait-il ainsi ? Il n'avait aucune responsabilité envers elle mais la faisait sentir toute petite et surtout très stupide.

- Si je ne t'avais pas emmené sur cette plage, tu serais déjà sur un vol retour à Paris.

Il n'avait pas tort. Le reste de son intervention médicale se passa dans le plus grand des silences, seule le ressac des vagues brisaient l'absence de dialogue.

- Maintenant, mange un peu, lui conseilla t-il en regardant les fruits. Tu auras besoin de forces pour les épreuves d'aujourd'hui.

Ce qu'elle fit, toujours en silence. Mille questions lui traversèrent l'esprit, plus aussi sereine qu'à son réveil quant au déroulement de cette journée...