Prologue

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Je m'appelle Emily, j'ai 22 ans. Mais vous me connaissez peut-être sous le pseudo de Blazelette, ou Blazy, ou encore Blaze. Je suis devenue YouTubeuse il y a maintenant trois ans. Un million et demi d'abonnés au compteur, une vie qui pourrait paraître rêvée, incroyable, bien particulière.

En réalité, n'importe quelle vie, de n'importe quelle personne pourrait être notifiée de particulière, tout dépend du point de vue employé. C'est fou comme tout ne tient qu'à si peu. Je ne sais pas trop pourquoi je pense à ça exactement. J'avoue qu'en cet instant précis, beaucoup de choses pourraient me passer par la tête, mais sans doute pas ce que je suis en train de me raconter à moi-même.

Est-ce que tout ce qui m'arrive ne tient réellement qu'à la décision de devenir YouTubeuse ? C'est con, mais je n'ai jamais réellement cru au hasard. Souvent quand je me demande si cela serait arrivé si j'avais pris d'autres décisions, je me dis qu'au final, je n'aurais pas pu prendre d'autres décisions. La vie est juste faite pour être vécue alors pourquoi se poser des questions sur son passé. Je me rends compte que le temps devient long, vraiment long pour l'homme en face de moi qui me pose une question.

Prendre une décision, oui, c'est ça que je suis en train de faire. Pourquoi est-ce que cela m'a toujours rebuté ? Je m'appelle Emily, j'ai 22 ans, je gagne énormément chaque mois. Assez que pour ne pas me soucier des décisions que je prends. Assez que pour savoir que je n'ai rien à perdre. Pourtant, c'est toujours un véritable calvaire de décider. Je respire et je me dis, que de toute façon, peu importe la décision que je vais prendre, cela devait se passer ainsi.

- Austin, on ne se connaît pas... Je suis désolée... Je peux pas dire oui à ça...

Il est accroupi en face de moi. On se regarde dans les yeux, et je me rappelle, toutes les galères d'avant, je me rappelle qu'il y a un million de personne qui rêveraient d'être à ma place. Ses mains se resserrent autour de la mienne. Elles sont chaudes et douces. Ses yeux bleus me supplient de tout son cœur. Je m'abaisse alors à sa hauteur.

- Post, je suis sérieuse, on ne se connaît absolument pas, je veux dire, on s'est vu quoi, trois, quatre fois, plusieurs heures certes, mais qu'est-ce qui me dit que tout ça n'est pas juste un faux fantasme de l'ado que j'ai été ? Je peux pas faire ça.

- Blaze, je t'en supplie, viens avec moi. On fera connaissance sur le chemin, sur ce qu'on vivra ensemble, tu pourras continuer tes vidéos et puis, je gagne assez pour deux tu sais, et quand bien même, tu restes une personnalité.

- Ce n'est pas pour l'argent que je m'inquiète. Certes j'ai des contrats oui, qui vont s'annuler, oui. Mais je gagne assez, effectivement, que pour tout foutre en l'air. Ce n'est pas ça qui me dérange. Post, je suis sérieuse, on s'est envoyé en l'air, oui, mais je ne suis qu'une fan, qui ne te connaît que comme Post Malone, pas comme Austin, je connais Post, pas Austin.

En réalité, j'en brûle d'envie, mais il y avait ma maison, ma famille, ma meilleure amie, mes fan, tout le reste, les collègues, le bureau, les contrats, un tas de démarches à faire. Je sais qu'il a raison dans le fait que ça ne me coûtait rien d'essayer. Mais je suis effrayée. Je continue :

- Regarde toi, regarde moi, on ne vit pas dans le même monde Austin.

- Essaye au moins, ça se trouve, ça te plaira, mon monde. Rien ne nous empêche de fonder le nôtre.

Je sais pertinemment bien qu'il a raison. Mais pour je ne sais quelle raison, je me sens clouée ici, comme si je savais que suivre mon cœur n'allait m'apporter que des problèmes, mon ventre est terriblement noué, s'il n'était pas en face, je pense que j'aurai probablement déjà vomi. Dehors la foule l'acclame, ils crient, comme je l'avais fait quelques années auparavant, frénétiquement, tous ensemble, comme un cri de guerre, j'entends les « POS-TY, POS-TY, POS-TY », cela me donne presque froid dans le dos. Ce monde n'était vraisemblablement pas le mien.

Je regarde ma montre, il est 21h25, cinq minutes avant son entrée en scène, et nous sommes là, tous les deux, nous avons l'air si égoïste, l'espace d'un instant, je nous détesterai presque. Il se lève et je frissonne. La chaleur de ses mains quitte les miennes, glacées de peur. Il se tourne, attrape une cigarette et l'allume, puis quitte la pièce, en lançant :

- On en reparle quand je reviens... J'espère que tu auras le temps de réfléchir.

Sans un regard, il ferme la porte de sa loge. Aussitôt, je fonce aux toilettes et gerbe tout ce que j'ai sur le ventre, c'est-à-dire, principalement de la bile. Je tousse, encore et encore et sanglote, telle une enfant. Je me laisse glisser le long du mur et pose ma tête sur la cuvette, je pleure, oui, je pleure parce que j'ai peur. J'ai peur de tout ce qui peut m'arriver, de me tromper, d'être déçue, de perdre mon temps. Toutes les peurs que j'ai toujours eu et qui m'ont poussées jusqu'ici. Mais peu importe la stabilité de nos vies, les peurs nous suivent partout, même dans les plus belles lumières.

Je parviens enfin à me calmer. Je passe une main dans mes cheveux pour dégager mon visage et me relève doucement. J'ai toujours aussi mal au ventre et la boule dans ma gorge semble ne pas vouloir cesser de grossir. J'attrape un verre et une bouteille d'eau et tente de boire un peu. Je m'assieds sur le divan noir.

1h30. C'est le temps que j'ai pour réfléchir à sa fameuse proposition. Je me demande si j'ai réellement envie d'y réfléchir. Comme chez moi, j'enlève mes chaussure et me couche en position fœtal dans le divan. Tout me semble si faux, si loin, si impossible. Je soupire et observe la guitare d'Austin à l'autre bout du sofa. Qui est-il vraiment ? Je me redresse et m'assieds à côté de l'instrument. Je caresse les cordes, il fut un temps où je jouais, où je chantais. J'avais toujours eu une telle facilité à aborder tout ce qui touche de près ou de loin à n'importe quel art. Mais j'avais toujours eu peur de mes capacités.

Dans un élan de folie, j'attrape l'instrument et le place sur mes genoux et gratte quelques accords d'une musique que Post avait écrit, tout en murmurant les paroles du refrain.

- Call me in the morning, tell me how last night went, I'm here... But don't count... On... Me... To...

Mais là, c'est trop pour moi. Je repose la guitare dans le coin du divan et me laisse tomber sur le coussins durs.

1h25. Le temps qu'il me reste à tuer avant qu'il revienne.

Mon Héritage (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant