Chapitre 1 : Eurydice

6 0 0
                                    



Edwige. Ce fut la première pensée qu'Hélène eut en se réveillant ce matin là. Et dire que ça allait faire bientôt un an et demi qu'elle ne l'avait pas vu !

La brunette huma l'air aux douces notes d'herbe sèche. L'été battait son plein. Dans la chaleur colorée, blouses légères et shorts étaient de mise. Hélène fixa ses bras tannés par le soleil, perdue dans ses pensées.

Une touffe de blé sec lui atterrit sur le nez. La jeune fille tourna la tête en grommelant. Simon la fixait, hilare.

_ Tu es un vrai gamin ! soupira-t-elle, les yeux au ciel.

_ Et toi une fausse vieille ? répliqua-t-il en tirant la langue.

_ Pitoyable...

Un franc sourire d'un blanc éclatant illuminait le visage fluet du jeune homme, faisant ressortir ses yeux sombres et ses boucles brunes.

Plus que deux semaines avant de revoir Edwige ! Simon ne comprenait pas l'impatience de son amie. Toutefois, pensait-elle, il avait une excuse : lorsque le groupe était parti, son frère et sa sœur étaient encore à l'état de statue de cire.

En y réfléchissant bien, la cohabitation de tout ce petit monde se passait plutôt bien. Peut-être était-ce grâce au soleil, mais le voyage semblait nettement plus court qu'à l'allée. Hélène se releva à demi, ayant ainsi une vue sur le sentier et les champs qui s'étendaient loin à l'horizon.

Sous un arbre, à quelques mètres, Blandine et Sophia conversaient, doigts liés malgré la chaleur étouffante, formant une touffe couleur terre humide et une autre d'une pâleur de paille.

Un peu plus proche, Juliette, Luc et Thibault se reposaient dans les herbes hautes. Hélène apercevait la silhouette menue aux bouclettes caramel de la première ainsi que le buste du beau blond. Elle devinait également à travers le rideau herbeux la silhouette élancée de son ami dont les épis bruns se détachaient du paysage.

Jade et Côme discutaient au bord du chemin, autour du vélo de la première. La frêle silhouette du garçon s'agitait, expliquant à la petite brune quelque chose à propos de la chaîne de sa bicyclette.

Tout était calme. Hélène avait tant de mal à croire que les événements qui s'étaient déroulés durant l'année passée étaient réels. Seuls ses cauchemars le lui rappelaient, faisant ressurgir les visages tremblotants de petite fouine et poupée barbie en plein milieu de la nuit étoilée.

_ On lève le camp ? apostropha soudain Luc par-dessus le crissement chanteur des grillons.

En moins de deux tous furent à nouveau en selle, rompus à ces départs accélérés.

_ Il faut qu'on se ravitaille, reprit Luc. J'ai vu qu'il y avait un village sur la route, pas loin. De plus, on pourra ainsi déposer un échantillon du remède avec les consignes de Léo.

Tous approuvèrent.

Le village fut bientôt en vue. Une boule de nervosité remonta le long de la gorge d'Hélène. Le fiasco d'Hestia restait gravé dans sa mémoire, même un an et demi après.

Un panneau vétuste mangé de mousse surgit d'un coup à droite du chemin. Eurydice, 3 km. Ils y étaient presque.

La route s'ouvrit sur une placette pavée entourée de coquettes maisons. Les quelques habitants présents cessèrent aussitôt leur activité. Une grande blonde s'avança, ses longs cheveux soigneusement nattés encadrant son long visage pâle. Elle avait les dents de devant proéminentes mais le sourire affable.

Derrière elle suivaient deux garçons, ou plutôt deux hommes : un petit brun barbu et un grand roux massif. Parvenus à leur hauteur, les trois jeunes fixèrent les nouveaux arrivants, l'œil plus curieux que menaçant.

La jeune fille prit la parole d'une voix chaude et forte :

_ Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? Cela fait bien longtemps que nous n'avons pas vu de voyageurs par ici.

_ Nous débarquons de la capitale, répondit Luc, nous retournons chez nous, à Athéna. Nous aurions besoin de vivres et d'eau fraîche. En échange, nous vous donnerions un remède à Épuria.

_ Un remède ? Vraiment ? Et depuis quand ? Pourquoi nous ne sommes pas au courant ?

_ C'est compliqué, interrompit Hélène face au mutisme de Luc, nous l'avons volé à la ville haute. Lorsque je dis « nous », il s'agit d'un petit groupe de résistance de la ville basse. (Un raclement de gorge désapprobateur de Blandine se fit entendre mais Hélène n'y fit guère attention.) Nous l'avons récupéré il y a seulement quelques mois et, depuis, nous avons chercher à le reproduire, une tâche ardue et longue.

La grande blonde hocha la tête, pensive. Elle semblait dubitative sur l'efficacité du médicament ; cependant, elle avait peur de laisser passer sa chance.

_ Vous gagnez bien peu dans cet échange, opposa-t-elle après un silence.

_ Faux ! rétorqua à son tour Thibault. Nous avons actuellement plus que besoin de vivres et d'eau afin d'arriver à Athéna. Retourner chez nous est la chose que nous souhaitons le plus au monde !

Leur interlocutrice jeta un coup d'œil à ses acolytes avant de déclarer calmement :

_ C'est d'accord. Hector et Antoine vont aller vous chercher du pain, des fruits et de la viande séchée. Cela vous ira ? Ainsi que de l'eau, évidement. Désirez-vous rester un peu avant de reprendre la route ?

Alors qu'Hélène s'apprêtait à approuver, Luc la devança, hochant négativement ses fins cheveux blonds :

_ Désolé, il nous reste encore du chemin à faire.

Hélène grogna dans son coin. Elle en avait marre de voir sans arrêt les mêmes têtes. Elle aurait bien voulu discuter avec de nouvelles personnes. Toutefois, elle savait que Luc avait raison, et cela l'énervait encore plus !

Ils reprirent donc la route, les vélos à nouveau alourdis de victuailles.

Épuria T.2 Fuite ImmobileOù les histoires vivent. Découvrez maintenant