Les yeux sombre d'Hélène remontèrent lentement le long de leur ensemble de la même teinte que leur cape, maintenu par un entrelacs de cordes grises, jusqu'aux mains dénudées tenant fermement chacune un contrôleur.
L'engin était en chêne et argent finement ciselé. Par le canon, on apercevait des fils de cuivre entrecroisés grésillant d'électricité, emplissant la pièce d'une lueur bleutée.
Ces cinq secondes à détailler la tenue de ses attaquants furent cinq secondes de trop. Des balles électriques fusèrent. Hélène se baissa, juste à temps. Le projectile alla se ficher dans le mur, l'agrippant de ses petites dents métalliques, de petits éclairs jaillissant de son corps.
La jeune fille décida de se focaliser sur le meneur, s'identifiant à lui. Il y avait plus de capes noires que de jeunes bariolés et ces derniers furent vite en déroute. Le meneur jouait du contrôleur à tire-larigot.
_ Attention ! cria Côme tandis qu'une nouvelle balle frôlait la brunette.
Le jeune homme s'élança alors sur la cape noire, donnant un coup de pied bien placé. Le meneur jura dans sa barbe mais ne répondit pas.
Côme s'en alla porter assistance ailleurs avant qu'Hélène n'ait eut le temps de lui faire part de son observation. Fait encore plus étrange, aucune cape noire ne visait vraiment Côme.
Serait-il de mèche avec eux ? Non. Impossible. Même le meilleur imitateur ne pouvait donner à ce point l'illusion d'un combat acharné. Que se passait-il donc ?
Hélène n'eut pas le temps de réfléchir davantage ; sa respiration fut coupée par un coup de pied en plein thorax et elle fut plaquée au sol.
_ Pas ici la bagarre ! clama tout à coup la voix rugueuse de poissonnière de la patronne. Foutez moi l' camp !J' veux pas d'emmerde, créboudiou ! Dehors, sales morveux ! Vertuchou ! Les miens, j' les élève pas ainsi et tant mieux ! Vaindiou !
Le meneur avait relâché sa prise pour écouter les récriminations de l'aubergiste. Ni une, ni deux, Hélène donna un coup de bassin pour se dégager. Son attaquant tomba à la renverse mais se rééquilibra avant d'avoir atteint le sol et recloua la jeune fille à terre, la joue contre le dallage.
La brunette vit des étoiles lorsque sa boîte crânienne heurta la pierre. Elle resta sonnée tandis que son agresseur se relevait, le canon de son contrôleur pointée droit sur la tête de sa victime, son cœur bleu s'intensifiant.
Soudain, une ombre jaillit et poussa le milicien sur le côté. La balle du contrôleur se ficha dans un tableau de mauvaise facture. Côme, haletant, se releva. Un sifflement strident fendit alors l'air.
_ Attention ! hurla Hélène.
Le jeune homme baissa la tête au dernier instant, fixa deux secondes l'impact, abruti et fit demi-tour, prêt à attaquer.
Hélène, piquée d'adrénaline, se mit debout d'un bond et rentra à son tour dans la mêlée. La jeune fille s'en voulait d'avoir oublié de s'armer avant de partir d'Athéna ; ils étaient à présent désavantagés. Ils n'avaient que leurs poings pour se défendre.
La brune frappait au hasard, sans tactique véritable, se fiant à son instinct. Son sport, c'était la course, le sprint, l'endurance et plus encore le demi-fond n'avaient aucun secret pour elle. En revanche, le combat restait pour elle quelque chose d'assez nébuleux. Pourtant, durant plus d'une année, elle l'avait pratiqué bien malgré elle.
Hélène donna un énième coup de coude dans une mâchoire. Il n'était pas assez fort pour sonner mais parvint au moins à déstabiliser la cape noire. Elle s'apprêtait à ré-attaquer lorsqu'un cri perçant déchira l'air avant de s'évanouir en même temps qu'un chuintement stridulant familier.
La brunette tourna la tête et vit le visage surpris de Sophia, ses yeux exorbités, son visage exsangue, sa bouche ouverte en un cri dorénavant muet. Elle regarda ses iris bleu ciel se révulser, son corps se cabrer, parcouru de soubresauts.
Elle suivit des yeux la chute de son amie qui laissa derrière elle un milicien ahanant, la poitrine se soulevant à une vitesse effrénée, tenant dans son poing droit serré un poignard ensanglanté et dans l'autre un contrôleur encore fumant d'éclairs bleutés.
Hélène le reconnut immédiatement à sa posture : le meneur. Tandis que Blandine hurlait au désespoir, frappant à tout va avec une dextérité dérangeante, la jeune fille se précipita sur le responsable avec un cri rauque.
Avec la force de la vengeance, elle arracha la capuche qui camouflait son visage. Grognant de rage, le jeune homme la fit passer par-dessus son épaule, l'envoyant à terre, un peu étourdie.
Côme se précipita pour l'aider à se relever. Un glapissement étranglé de Luc réveilla momentanément la jeune fille. Elle leva la tête et, à son tour, eut un hoquet de surprise.
_ FRANÇOIS ! hurla-t-elle au comble de l'incompréhension.
Les poings ensanglantés de Côme se serrèrent autour du bras de son amie. Dans un mouvement de réflexe, elle se dégagea. Côme ne bougea pas. Il fixait son frère, une expression de dégoût profond gravée sur son visage.
_ François, répéta Hélène d'une voix atone.
Le jeune homme fuit son regard chocolat.
_ Tu me répugnes, cracha alors la brunette en dévisageant son adversaire. Autour d'eux, le temps s'était arrêté. Les uns fixaient la scène, tout aussi ahuris, les autres attendaient les ordres.
Simon recula de quelques pas vers la sortie, faisant de discrets signes de mains à ses amis. Hélène le repéra rapidement. Néanmoins, une milicienne en fit tout autant.
_ François ! François ! Ils s'échappent !hurla-t-elle.
Ni une, ni deux, le frère aîné de Côme saisit la fille au collet et énonça en détachant tous les mots :
_ Ne-m'appelle-pas-par-mon-prénom.
L'autre acquiesça péniblement et François la laissa retomber sur le sol avec fracas. Le jeune homme adressa ensuite un signe de tête à son équipe et tous se précipitèrent vers la sortie pour intercepter Simon. Hélène et ses amis firent de même.
_ Et Sophia ? interrogea Blandine, angoissée.
Pour toute réponse, deux miliciens s'en saisir avec brusquerie, laissant apparaître un flot de liquide sombre qui s'échappait de la cuisse de leur amie à l'endroit où le poignard s'était enfoncé. Hélène eut un haut de cœur.
_ Courez ! cria alors Luc depuis la porte.
Hélène recentra son esprit sur l'action. Dehors, Simon attendait près des vélos, les sacs à ses pieds, une idée derrière la tête.
_ Poussez-vous ! hurla-t-il.
Ses six amis s'exécutèrent. Lorsque la seconde suivante, les miliciens s'avancèrent à leur tour, ils se prirent une avalanche de bicyclettes. Leurs cris et jurons moururent dans le fracas métallique des cadres, guidons et rayons.
Sans un regard en arrière, la fine équipe fila dans les ruelles, suivant Hélène, en direction du port et de leur seul ticket de survie. Les sanglots de Blandine était le seul bruit distinct. Cependant, le ressac de la mer s'intensifiait dans le fond.
Bientôt, la ruelle s'ouvrit et l'espace dégagé de la grève apparut.
_ Par ici, chuchota Hélène.
Les sept amis s'avancèrent sur le troisième ponton de bois.
À-mis parcours, Hélène stoppa net. Il était toujours là, sa coque blanche lumineuse, son bandeau émeraude, son mat impérieux et son nom, gravé en lettre d'or scintillante, La belle Lily, hommage à sa grand-mère paternelle Amélie.
_ Venez ! s'écria Hélène, la gorge serrée malgré elle.
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Épuria T.2 Fuite Immobile
AcakLe temps à passé ; les mystères se sont éclaircis. Il est temps de réparer les erreurs et d'aller de l'avant. Accepter le passé est difficile mais faire de même avec le présent est encore plus ardu, surtout quand on s'appelle Hélène Gwellbleiz et qu...