Chapitre 15 : un interrogatoire houleux

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L'intérieur en bois peint, lui aussi, était resté à l'identique. Des souvenirs défraîchis et des tableaux aux tons pastels égayaient l'unique pièce à vivre. Hélène se précipita à l'avant, entra dans la cabine et actionna le levier de démarrage puis tourna la manette pour l'encocher en mode automatique.

Hector le tableau de bord s'alluma, des points verts et rouges parsemant sa structure de bronze. Avec une série de cliquetis étranges et deux ou trois jets de vapeur, le bateau sortit lentement du port, toutes voiles dehors.

Hélène croisa les doigts pour qu'il y ait assez d'électricité dans le réservoir ; il restait encore huit heures avant que le soleil ne se lève.

Dans la salle d'à côté, les lumières s'étaient allumées. Soudain, un bruit sourd résonna contre la paroi. Hélène s'arracha brutalement à ses souvenirs et se précipita dans le séjour.

Blandine plaquait Côme contre le mur et lui susurrait d'une voix hargneuse :

_ Je crois que tu nous doit quelques explications mon chéri.

Côme tenta de se débattre mais Blandine s'appuya de tout son poids contre sa victime, lui arrachant un cri de douleur.

_ Pas très vaillant mon coco, railla-t-elle avant de le laisser tomber le long du mur.

Côme se remit debout péniblement et s'avança en boitillant au centre du cercle formé par ses amis.

_ J'y suis pour rien, sanglota-t-il. Je l'aimais bien Sophia, moi.

_ Que se passe-t-il donc ? interrogea enfin Hélène, remise du choc de la scène.

_ On vérifie qu'il n'y a pas une taupe dans la bande, cracha Simon sans quitter Côme du regard.

Les yeux noisettes de ce dernier étaient encore plus mélancolique que d'habitude.

Tout à coup, par-dessus cette scène, se superposa dans les yeux d'Hélène celle d'un bureau sombre à la chaise de paille usée, éclairée par une lumière glauque et tamisée qui se reflétait sur un crane chauve et sur les ongles griffus manucurés d'une grande blonde aux yeux globuleux.

Hélène se tint au mur, haletante. Personne ne faisait attention à elle. Tout tournait autour de la jeune fille. Tout, sauf la petite porte menant au pont. La main toujours collée à la paroi, Hélène s'y précipita tant bien que mal, se traîna dans les escalier et, une fois sur le pont, avala à grande goulée l'air frais, étendue sur le sol, hagarde.

Des bruits de coups et la voix acerbe de Blandine lui parvinrent à travers une enveloppe cotonneuse. Hélène eut un goût de bile dans la bouche. Des larmes perlèrent au coin de ses yeux.

Côme les aurait-il trahit ? Cela lui ressemblait si peu. Pourtant, cela expliquerait son comportement étrange des derniers temps. Un goût de sel se glissa dans la bouche d'Hélène ; les larmes dévalaient ses joues tannées par le grand air. La brunette ignorait si ces pleurs étaient liés au souvenir désagréable qu'elle venait de revivre ou à la situation de déchirement actuelle. Sophia. Sans elle, rien ne serait plus pareil.

Au prix d'un certain effort, Hélène se redressa ; Côme ne subirait pas ce qu'elle avait subi ! La jeune fille redescendit clopin-clopant les escaliers et poussa le battant métallique encore entrouvert.

_ Arrête ! Arrête !, s'écria Juliette alors qu'Hélène posait un premier pied dans l'habitacle. Tu ne le laisse même pas parler ; comment veux-tu avoir une réponse ?

Avachi contre le mur, Côme fixait Blandine d'un œil noir, sans pour autant réagir. Entre les deux, se tenait Juliette, bras écartés, un air bravache sur son visage de poupée.

Épuria T.2 Fuite ImmobileOù les histoires vivent. Découvrez maintenant