Hélène mit quatre longues journées à s'en remettre. Edwige, qui avait déjà tant bien que mal soignée sa propre peine quelques mois auparavant, se fit un devoir de la réconforter.
Toutes deux vivaient à nouveau dans leur maison, au trente rue des hortensias, au bout du village. Retourner dans sa maison, au lieu de rasséréner Hélène, avait empiré son état émotionnel.
Lorsque ce quatrième jour Hélène accepta pour la première fois de sortir le bout de son nez en compagnie d'Edwige, elle tomba nez à nez avec une heureuse surprise. Gatien Gwellbleiz s'apprêtait alors à sonner à la belle porte bleu Bermudes.
Il semblait s'éveiller d'un long sommeil et avait l'air encore affaibli. Des traces humides étaient visibles sur ses joues. Toutefois, ses yeux rougis s'éclaircirent à la vue de ses deux filles et un sourire illumina son visage.
_ Papa ! s'écrièrent-elles à l'unisson.
Les deux jeunes filles se précipitèrent dans ses bras, pleurant tant l'absence de leur mère que la joie de revoir leur père.
_ Je suis là à présent, chuchota ce dernier en embrassant le front de sa benjamine.
_ Papa, j'ai revue Aristide, répondit la plus grande en séchant ses larmes.
Gatien cessa de caresser le dos de ses filles. Edwige releva la tête, curieuse de voir la tournure qu'allait prendre la conversation.
Durant les trois jours que les deux filles avaient passé ensemble, Hélène avait tout raconté à sa sœur. Cette dernière l'avait écoutée de bout en bout sans interrompre, avide d'en savoir plus.
_ Il va bien ? interrogea Gatien, plein d'appréhension.
_ Je ne sais pas trop ; je ne l'ai vu qu'en coup de vent.
_ Com... Comment as-tu pu l'abandonner ? intervint brusquement Edwige, ses yeux gris jetant un regard noir.
Le père des deux jeunes filles passa ses mains sur son visage dont les traits avaient repris leur teinte fatiguée.
_ Ce n'est pas si simple ma petite edelweiss.
Ses deux iris chocolats fixaient ses filles. Quelques cheveux blancs décoraient à présent ses tempes brunes, ainsi que quelques rides d'expression au coin de ses yeux. Néanmoins, ses petites lunettes rondes étaient toujours perchées de la même manière sur son nez fin, assorties au pli sur son front lorsqu'il réfléchissait.
Hélène ferma les yeux un instant et retrouva le visage de sa mère, sa forme ovale, dont avait hérité Edwige, d'une blancheur laiteuse, encadré de belles volutes caramels. Elle avait des paupières un peu trop lourdes qui tombaient sur ses yeux couleur orage. Les plis autours de sa bouche s'était marqués avec l'âge, faisant cependant ressortir ses lèvres dessinées et pulpeuses.
De sa mère, Hélène n'avait hérité que les boucles indomptables, caractéristique que l'on retrouvait chez tous les enfants Gwellbleiz. Edwige en était presque un portrait craché et Aristide se situait entre les deux.
_ Venez, dit Gatien en se relevant.
Ses genoux craquèrent, rouillés par l'inaction totale de cette longue année.
_ Allons rejoindre les autres.
Sur la place, Hélène aperçut tous ses amis. Thibault était avec son jeune frère, tous deux assis sur les marches de la vieille église de granit. Juliette réconfortait Luc. Ce dernier avait maigri et ses yeux semblaient tatoués de cernes sombres. Quelques adultes déambulaient sur la place, souvent accompagnés de leurs enfants.
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Épuria T.2 Fuite Immobile
AcakLe temps à passé ; les mystères se sont éclaircis. Il est temps de réparer les erreurs et d'aller de l'avant. Accepter le passé est difficile mais faire de même avec le présent est encore plus ardu, surtout quand on s'appelle Hélène Gwellbleiz et qu...