Chapitre 3

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Talia

– Plus souple sur tes bras, grandis-toi et sois plus légère dans tes pas, souffle Léonore pour la énième fois en moins dune heure.

Ce matin, ma grand-mère a débarqué dans ma chambre aux aurores pour improviser un entraînement de classique. Elle a décidé de reprendre le contrôle de mes répétitions parce que mon stage de danse à New York ma fait régresser, selon elle. Elle tient à ce que je sois parfaitement prête pour l'Opéra de Paris.

Son but, pas le mien !

Ce n'était pas suffisant qu'elle se mêle de mon alimentation, il fallait aussi quelle s'incruste dans mes cours de danse. Léonore a réussi à me dégoûter du classique. Cette obsession de la perfection, la discipline stricte qu'elle a instaurée et la fréquence des entraînements ont fini de faire de ce genre mon pire ennemi.

Elle est tellement passionnée par ce style de danse qu'elle a créé sa propre école il y a vingt-cinq ans, qui a su se faire un nom dans le monde des arts. Mais, d'après elle, je mérite l'Opéra de Paris, comme elle dans sa jeunesse.

Petite, j'étais si passionnée par le classique que j'ai participé à un tas de concours de jeunes talents. J'étais toujours la plus jeune des concurrentes, mais ça ne ma pas empêchée d'en gagner une partie. J'adorais cette adrénaline si particulière des concours, je vivais pour ça.

Mais tout s'est transformé en quelque chose de plus sombre et je suis tombée la tête la première dans un engrenage presque mortel.

Plus jamais ça.

Je tente de suivre ses conseils à la lettre, mais mes efforts ne semblent pas la satisfaire puisqu'elle soupire bruyamment et tape le sol plusieurs fois avec son maudit bâton qui donne le rythme. Je serais capable de le lui faire manger juste pour qu'elle se taise. Je ne supporte plus son regard plein de mépris sur moi.

Et, bon sang, quest-ce que j'ai mal aux orteils !

– Non, non et non ! Tu fais nimporte quoi, s'époumone-t-elle. Tu n'as aucune grâce. J'ai l'impression de regarder un éléphant danser !

– Je fais de mon mieux, Léonore. Tu as mis la barre trop haut...

– Cesse de te trouver des excuses, Talilah. Tu ne fais aucun effort. Tu es devenue feignante et cette graisse sur tes cuisses t'empêche d'atteindre la perfection. Est-ce que tu suis le régime que je t'ai prescrit ?

Léonore la diététicienne est de retour !

– Je n'ai pas réduit les protéines, mon corps en a besoin, tenté-je de lui faire comprendre.

– Encore des excuses stupides et sans fondement, raille-t-elle. Une ballerine se passe de protéines, elle est prête à tout pour réussir, et ce n'est pas ton cas. Regarde-toi, tu es grosse.

Je me sens bouillir. Si j'exècre le terme « parfait », ce n'est rien comparé au mot « grosse ». Il est phonétiquement laid, péjoratif et cinglant. Il peut provoquer plus de dégâts qu'un océan de reproches.

Mon reflet dans le miroir ne me renvoie pas l'image dune fille en surpoids. Cette graisse qu'elle persiste à voir est invisible pour moi. Cette période est terminée. Et je refuse qu'elle revienne. J'en ai assez bavé.

– Peut-être que je ne suis pas faite pour la danse classique, lui fais-je remarquer. Je ne suis pas toi, Léonore.

– Ce ton plein d'insolence ne me plaît pas, jeune fille. Ton comportement a intérêt à changer, m'avertit-elle. Tu feras ce que je te dis, que ce soit pour la danse ou ton alimentation. Je n'ai pas sacrifié toutes ces années et dépensé des milliers deuros pour que tu échoues lamentablement.

Upside Down (PUBLIEE AUX EDITIONS ADDICTIVES)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant