Zora remercia intérieurement son père de lui avoir tant parlé des mythes grecs. Un pas de plus et elle tombait dans le Styx.Heureusement, elle avait reconnu le fleuve maudit à l'odeur putride et s'était arrêtée à temps.
— On aurait pas pu passer par la porte d'entrée ? se plaignit Zora, le sang battant dans ses oreilles.
— Je m'excuse pour cette arrivée un peu brutal, j'ai préféré t'endormir avant d'arriver ici, répondit simplement Hadès qui semblait chercher quelque chose du regard.
C'est réel, pensa alors Zora qui glissa son regard sur tout ce qu'elle pouvait voir. Tout est réel.
Les mythes et les légendes qu'aimait tant son père existaient vraiment. Tant de questions se bousculèrent dans son esprit. Mais Zora savait être patiente, les réponses viendraient au bon moment.
— C'est donc ça les Enfers, souffla-t-elle pour elle-même.
Le monde souterrain sombre n'avait jamais connu la lumière du jour mais les yeux Zora s'habituèrent vite au manque de luminosité.C'était une sorte de grotte, immense, et bruyante à cause de l'écho incessant. Si l'obscurité ne gênait pas Zora, les cris de désespoir et de douleur la mettaient mal à l'aise et son propre chagrin s'intensifia.
— En vérité, nous nous trouvons dans l'Erèbe, la partie la plus proche de la surface de la Terre.
Trois hauts palais, faits de colonnes sombres, se dressaient sur une montagne de pierre. Autour de l'un deux résidait une brume noire d'où l'on devinait des silhouettes squelettiques.
—Celui-ci c'est le palais de Nyx, déesse de la Nuit. À côté ce sont les palais des Songes et du Sommeil. Je te conseille de ne pas trop t'en approcher.
Zora acquiesça. Il ne lui serait jamais venu à l'esprit de s'approcher de ces grandes tours d'où sortaient des dizaines de chauves-souris au cri aiguë et aux ailes surdimensionnées. D'instinct, elle se rapprocha d'Hadès qui désormais lui paraissait beaucoup moins flippant à côté des squelettes, de la nuit éternelle et de l'odeur putride..
Autour d'eux tout n'étaient que hurlements, cris et pleurs. Des visages fixaient tous le même point à l'horizon comme contemplant leur vie passé et leurs regrets. Un frisson parcourut le corps de Zora.
— Tu t'y habitueras, lui confia-t-il comme s'il avait lu dans ses pensées.
— Impossible.
Du moins, elle l'espérait. Celui qui pouvait s'habituer à ces plaintes n'avait pas de cœur, pas d'âme.
— Alors quand est-ce que je deviens une déesse ? demanda Zora. Je suis là pour ça, non ?
— Patience, jeune mortelle. Ton apprentissage n'a pas encore commencé.
— Et quelle est la première leçon ?
— La traversée du Styx. Survis-y sans devenir folle et tu auras passé le premier test.
Des âmes la fixaient de leur regard vide. Ces femmes et ces hommes ressemblaient à des fantômes translucides et lorsqu'ils ouvraient la bouche une lamentation aiguë faisait trembler le cœur de Zora qui essayait de ne pas regarder leurs yeux d'un blanc immaculé.
Hadès avait disparu, la laissant seule sur la rive avec aucune idée de ce qui l'attendait. Le fleuve coulait avec sérénité comme il le faisait depuis la nuit des temps.
Une agitation se fit sentir auprès des âmes. Une ombre se détacha sur le Styx. Un homme encapuchonné menait une barque à peine assez grande pour contenir plus d'une dizaine de personnes. Il ne fallut qu'un rapide coup d'oeil à Zora pour comprendre. Plus d'une centaine, peut-être même un millier d'âmes attendaient là.Certains depuis peut-être des dizaines d'années. Elle allait devoir se battre pour avoir sa place sur l'embarcation. Quand la prochaine passerait-elle ? Dans plusieurs heures, plusieurs jours ? Le temps avait-il une importance pour ces morts qui n'avaient plus rien à attendre ?
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La chute de l'Olympe
FantasiaLes Moires ont prophétisé la fin de l'Olympe. Les douze dieux grecs doivent descendre sur Terre pour trouver les mortels qui prendront leur place. Zora, élue d'Hadès, arrivera-t-elle à déjouer les pièges que cachent les Enfers et à trouver sa place...